Hanna Pasterny : « La foi me motive »
Hanna Pasterny : « La foi me motive »
« Je pense qu’il est important de faire quelque chose pour que le monde autour de nous soit meilleur. » Forte de cette conviction, Hanna Pasterny, aveugle de naissance, travaille pour des organismes venant en aide aux aveugles, autistes et malades mentaux. Elle a aussi des liens avec la Belgique suite à sa thèse sur l’écrivaine Marie Gevers et a son séjour à Liège comme bénévole.
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La Cité ardente n’est pas inconnue pour Hanna Pasterny. Particulièrement le quartier Sainte-Marguerite. En 2007, à 28 ans, cette Polonaise non voyante y a passé quatre mois dans le cadre de son Service Volontaire Européen (SVE). L’association polonaise des aveugles avait en effet un partenariat avec VIEWS (Visually Impaired Educational World Support), un organisme qui aide les aveugles et malvoyants dans l’insertion socioprofessionnelle. « C’était pour moi l’occasion de perfectionner mon français et de découvrir des choses nouvelles », se remémore celle qui avait appris cette langue au lycée. Pour la Coordination socioculturelle de Sainte-Marguerite, qui aide les associations de ce quartier populaire du nord de la ville, elle interviewait les responsables de ces structures, rédigeait différents textes et comptes-rendus de réunion, a organisé la fête du quartier, etc. Elle a également écrit quelques articles pour la gazette locale, Salut Maurice !, notamment sur les activités qu’elle menait avec les deux autres bénévoles du SVE, une Italienne et une Polonaise.
En même temps, elle donnait des cours de français à des femmes turques proposés par l’ASBL L’Orchidée rose. Ce qui était, pour elle, d’autant plus compliqué qu’elles ne parlaient pas français, même si elle était secondée par la présidente de l’association. « Je me demandais comment il était possible que des gens vivant en Belgique depuis trente ans ne puissent dire que : “Bonjour, je m’appelle…” Et certaines d’entre elles n’étaient pas du tout motivées. » La jeune femme accompagnait parfois sa colocataire italienne à l’institut pour handicapés de l’ouïe et de la vue où elle suivait des cours de logopédie. C’est pourquoi, de retour dans son pays, elle s’est inscrite à un cursus post-universitaire dans ce domaine. De cette expérience liégeoise est né son premier livre, non traduit en français.
VOYAGES DANS LE NOIR
Catholique pratiquante, Hanna suit régulièrement les offices religieux et, lorsqu’elle était à Liège, elle avait sympathisé avec le curé de la paroisse de Sainte-Marguerite. « Quand je participe à une formation ou que je suis en vacances, j’essaie toujours de trouver quelqu’un qui, le samedi soir ou dimanche, va à l’église, commente-t-elle. Face à des situations vraiment difficiles dans l’aide aux gens, la foi m’apporte beaucoup. C’est elle qui me motive, même si parfois je ne comprends pas pourquoi Dieu a fait ceci ou cela. Je pense qu’il est important de faire quelque chose pour que le monde autour de nous soit meilleur. » À l’étranger, elle aime entrer dans les églises, comme elle le raconte dans son livre Mes voyages dans le noir (également non traduit), où elle rend compte de ses séjours effectués, le plus souvent seule, en Pologne, en Europe et aux États-Unis. Et elle est membre d’une communauté catholique pour célibataires, Groupe 33. Elle a convaincu un des évêques de son diocèse d’organiser une formation pour prêtres, “Personne handicapée à l’église”. L’année dernière elle a présenté cette pratique à une conférence internationale à Rome.
Hanna Pasterny vit dans la région minière de la Haute-Silésie, au sud de la Pologne, où elle est née en 1979 d’une mère comptable et d’un père mineur mort d’une leucémie lorsqu’elle avait 9 ans. Aveugle de naissance, elle garde un souvenir douloureux de sa scolarité dans un internat adapté à ce handicap situé à trois cents kilomètres de chez elle. Même si, pense-t-elle avec le recul des années, ses parents avaient pris une bonne décision en l’y envoyant. Pour pouvoir lire ses lettres, et lui en écrire, sa mère avait appris le braille. Ce qui permettait à la fillette de ne pas devoir demander à un enseignant de les lui lire.
RENCONTRE INATTENDUE
Elle était une bonne élève. Apprendre, notamment à lire, était, pour elle, une forme de fuite lui évitant de trop penser à ses parents. Elle rêvait d’avoir son téléphone personnel car il n’y avait qu’un appareil fixe et les enfants n’étaient pas toujours là lorsque leurs parents les appelaient. Elle voulait alors devenir professeure d’anglais, ou juriste, voire psychologue. Soit des métiers pour personnes voyantes. En primaire, elle avait en effet eu l’exemple de deux enseignants aveugles, l’un de math, l’autre de musique. Elle savait donc qu’il était possible d’occuper ce type de professions malgré son handicap.
Hanna a finalement fait des études pour pouvoir enseigner le français en école primaire, avant de s’inscrire en philologie romane. C’est dans ce cadre que, par le plus grand des hasards, elle a fait la connaissance de la biologiste et anthropologue Marie d’Udekem-Gevers (voir son portrait dans L’appel de juin dernier). Elle raconte : « Pour ma maitrise universitaire, je n’ai eu le choix qu’entre la phonétique et la littérature belge, que j’ai choisie. Mon professeur m’a suggéré de travailler sur la romancière Marie Gevers. Je voulais donc profiter de ma présence en Belgique pour rencontrer quelqu’un de sa famille. Lors d’une excursion à Namur, je suis entrée dans une bouquinerie en quête de l’un de ses livres. Et la libraire, intriguée qu’une Polonaise s’intéresse à cette écrivaine, m’a dit que son fils était à l’école avec celui de l’autre Marie Gevers, sa petite-nièce, qui m’a contactée. » Elles sont restées liées et continuent de se voir de loin en loin. Elle a aussi visité Missembourg et fait connaissance d’Elza Willems, belle-fille de l’autrice de La Comtesse des digues.
MULTIPLES VOIES
Hanna a suivi différentes voies professionnelles, souvent centrées sur le handicap. Lorsqu’elle était assistante d’un député polonais, elle a rencontré le professeur Jerzy Buzek, ancien premier ministre et futur président du Parlement européen. Elle travaille encore avec lui bénévolement dans le domaine du handicap. Elle a aussi intégré deux organismes polonais qui favorisent l’inclusion dans la société des personnes avec difficultés, entre autres le handicap. Elle les aide à trouver un emploi, donne des conseils aux parents ou aux enseignants sur l’accessibilité, les méthodes et outils pédagogiques, etc. Et après avoir suivi un cursus post-universitaire dans l’aide psychologique en situation de crise, elle a mené quelques formations pour les juges, les procureurs et le personnel administratif des tribunaux et parquets polonais. Elle est dévouée dans la promotion du dialogue ouvert, méthode scandinave du travail avec des personnes qui ont de l’expérience d’une crise psychotique et leurs familles. Il y a quelques années, elle a été invitée comme experte à la conférence “Pleine inclusion des enfants et des jeunes handicapés dans la société” organisée par le Conseil de l’Europe à Bruxelles. Et, en mai dernier, elle a participé au 5e Parlement européen des personnes handicapées. Enfin, elle a consacré un livre à Marion Hersch, universitaire écossaise juive atteinte du syndrome d’Asperger qui développe des technologies d’assistance et fait des inventions pour les personnes handicapées.
Michel PAQUOT
Contact : hannapasterny.pl