Jean-Marc Mahy : la rédemption par le témoignage

Jean-Marc Mahy : la rédemption par le témoignage

Jean Marc Mahy raconte qu’il est né deux fois : une première, le jour de sa naissance, en 1967 et une seconde, celui de sa “renaissance” à 36 ans, en 2003, lors de sa sortie de prison après dix-huit ans de vécu carcéral. Il témoigne de son parcours en intervenant dans les écoles, à travers des documentaires et dans son seul en scène, Un homme debout.

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Publié le

31 octobre 2024

· Mis à jour le

21 février 2025
Jean Marc Mahy souriant à la caméra, devant la bâtisse d'une maison

Jean-Marc Mahy a connu très jeune l’enfer carcéral, jusqu’à l’isolement complet pendant trois ans. Aujourd’hui, il a payé sa dette à la société, même s’il dit qu’il gardera toute sa vie la mémoire de ses victimes. Il vit une jeunesse heureuse jusqu’à ses 8 ans, avec sa jeune sœur et ses parents. Ceux-ci se séparent et un beau-père violent entre dans la famille. Jean-Marc fait déjà une première tentative de suicide. Dans son quartier d’habitations sociales, il s’intègre à une bande de jeunes avec laquelle, assez vite, il commet des vols dans les grandes surfaces. Jusqu’à ses 17 ans, il fréquentera quatorze écoles différentes. La violence est son seul langage pour communiquer. Il fait alors une deuxième tentative de suicide et est sauvé de justesse, ce qui le conduit pour quinze jours dans un centre psychiatrique à Brugmann. « La délinquance, c’est une échelle », constate-t-il. 

UN PROJET D’ÉVASION

Jean-Marc Mahy sort beaucoup et entre dans une nouvelle bande avec laquelle il va démolir une école, puis commettre un cambriolage au cours duquel l’habitant, assommé, décède quelques jours plus tard. Le juge de la jeunesse le renvoie devant la juridiction des adultes, la cour d’assises de Bruxelles, qui le condamne à une peine de dix-huit ans, alors que le procureur avait requis entre cinq et quinze ans. Il estime que c’est trop cher payé et décide qu’il s’évadera. À ce moment-là, il souhaite que, lors de cette évasion, il soit abattu par les forces de l’ordre. Une autre forme de suicide !

Cinq mois plus tard, à la prison d’Arlon, il met son plan à exécution avec une prise d’otage au cours de laquelle un gendarme sera tué. Arrêté, il comparaît devant la cour d’assises du Luxembourg qui le condamne à la perpétuité le 19 décembre 1988. En prison il utilise toute la gamme des psychotropes et drogues, au point de devenir un zombie. Entré en prison le 30 décembre 1984, il est libéré conditionnellement le 16 septembre 2003 et définitivement le 16 décembre 2013. Il a entretemps vécu une période de semi-détention et a travaillé à RTL-TVI où il a noué des contacts.

Comment est-il possible de renaître après un tel parcours ? Paradoxalement c’est son isolement de trois ans dans la prison de Luxembourg qui lui a sauvé la vie. Il pense à ce moment-là qu’il ne peut en sortir que par la folie, le suicide ou une plus grande violence encore. D’autant que le personnel pénitentiaire lui affirme qu’il peut trouver de tout en prison, sauf de l’aide. Le 14 juillet 1987, il fait sa dernière tentative de suicide. Il se dit alors : « Jean-Marc, arrête de crier ce que tu n’es pas car je n’entends pas ce que tu es. » 

AU SERVICE DES AUTRES

Depuis sa sortie de prison, il a recommencé une vie, une vie qu’il a choisi de mettre au service des autres. Il témoigne pour que les jeunes ne connaissent pas son expérience et que des ex-détenus s’en sortent ensuite. Des rencontres vont favoriser chez lui la perspective d’une autre existence : Louis Escoyer, son premier visiteur de prison, Eliane van Cutsem, visiteuse et Daniel Nokin, journaliste à RTL-TVI, seront présents à sa sortie de prison. Lors de l’émission Controverse, il croise le sénateur Jean-Pierre Malmendier dont la fille a été assassinée et qui est le seul à lui serrer la main après l’émission, le félicitant de tout ce qu’il fait pour les jeunes. L’élu lui fait découvrir le monde des victimes et lui, lui fait découvrir celui des prisons. Une amitié naît entre eux, jusqu’à réaliser ensemble, en 2012, l’ouvrage Après le meurtre, revivre

L’ancien détenu participe également à deux projets de création d’un musée pénitentiaire. À la prison de Tongres, fermée en 2005 pour insalubrité, il utilise une aile pour expliquer aux jeunes qui la visitent en quoi consiste l’univers carcéral, jusqu’à ce que le lieu soit réhabilité pour accueillir des jeunes délinquants. Avant d’être à nouveau fermée pour les mêmes raisons. Après la fermeture de la prison de Forest, il participe au projet 9m2 qui doit voir le jour dans l’ancienne aile A avec un versant pédagogique. Ce projet est toujours en cours. Il a obtenu six diplômes en prison. Sur l’insistance de Jean-François Lenvain, qui a remarqué son charisme à l’occasion de leurs nombreuses animations communes dans des écoles au cours desquelles il relate son parcours, il suit des études d’éducateur qu’il réussit avec brio. Il participe encore à la réalisation de trois films documentaires : Liberté sur parole (2007), tourné à la prison de Tongres, Vers une inconditionnelle liberté (2015) et celui qui devrait sortir en 2025 sous le titre probable de Ma troisième vie

Suite à un bord de scène après une représentation de Stone au théâtre de l’Ancre à Charleroi, durant lequel Jean-Marc Mahy témoigne de son passé, le directeur du théâtre, Jean-Michel Van Den Eeyden, lui propose de transformer son vécu en un texte théâtral. Ainsi nait Un homme debout, un seul en scène où il raconte ses années de prison, les humiliations subites subies et, surtout, l’isolement, la folie qui le guette et les petits riens auxquels il s’accroche pour ne pas sombrer. Cet hymne à l’espoir, au dialogue et au courage a été reconnu d’utilité publique par la ministre de la Culture. Créé en 2010, ce spectacle sera joué des centaines de fois en Belgique, en France et même à Londres. La dernière a eu lieu le 27 mars 2024 à Tahiti. 

ET DIEU DANS TOUT ÇA ?

Si Jean-Marc Mahy a suivi le cours de religion et a fait sa première communion, Dieu n’est apparu dans sa vie qu’au moment de son isolement en prison. Le seul livre qu’il pouvait posséder était la Bible, il a lu une seule fois l’Ancien Testament, mais trois fois le Nouveau. Tenté par le suicide, il a senti, une nuit de pleine lune, une présence puissante qui l’invitait à renoncer. Il avoue son sentiment d’avoir une mission, d’être un pèlerin qui a des choses à donner. « Je vais rarement à la messe, mais j’aime être seul dans une église, seul avec Dieu. Je lui parle et je me suis d’ailleurs déjà disputé avec lui dans une église vide. Parfois je le remercie. La spiritualité, pour moi, est l’amour que tu apprends à connaître quand tu as vécu dans un monde de violence qui t’a été inculquée. L’amour, tu le trouves en toi-même. » 

Jean-Marc Mahy donnera des conférences, l’une à Gand, l’autre en avril 2025 à Namur. Il est aussi sollicité pour retourner dans les prisons françaises afin de montrer son film en préparation. Pourtant, malgré ce parcours exceptionnel, le nombre de formations suivies et réussies, les témoignages dans divers lieux, un seul en scène bouleversant, il n’a toujours pas de revenu fixe, aucun employeur n’ayant encore pris le risque de l’accueillir à cause de son passé.

Thierry MARCHANDISE

Le 8 janvier 2016, Frédéric Lopez a consacré un documentaire à Jean-Marc Mahy dans son émission Mille et une vies sur France 2. youtube.com

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