Réhumaniser les femmes
Réhumaniser les femmes
On parle “des femmes” ou pire de “la” femme, et cela renvoie à tout un univers où se représente une figure féminine abstraite et désincarnée.
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Dire d’une personne qu’elle est une femme revient à mettre au second plan tous les autres aspects de sa vie et de sa personnalité. On ne s’adresse pas à l’être humain complexe et riche de ressources, mais on visualise un cliché. Les clichés – autant au sens figuré (un lieu commun) qu’au sens propre (une photo) – sont vecteurs de déshumanisation. Rolland Barthes disait : « La photographie est violente : non parce qu’elle montre des violences, mais parce qu’à chaque fois elle remplit de force la vue, et qu’en elle rien ne peut se refuser ni se transformer. » Les clichés dissimulent la réalité. L’image de la femme cache les êtres humains qu’on range dans cette catégorie. Si je suis une femme, je suis jugée à l’aune de ce que l’autre s’imagine de mon devoir de féminité. Il ne me voit plus dans mon univers propre, mais dans le décor de représentations qu’il s’est construit à mon égard. Sur le fond rose de la féminité, je ne suis pas assez mince, pas assez bien habillée, pas assez douce ni dévouée. On peut ainsi lire à propos des qualités des femmes, sur le site du Consistoire de Montpellier, qu’« ainsi, de par son sens du sacrifice de soi, [la femme] est véritablement à l’image même de la sainteté […] cet effacement permet à l’âme juive de briller en elle ».Autrement dit, une femme digne de ce nom est une femme qui n’existe pas, une femme « effacée ».
ASSOCIATION DÉSHUMANISANTE
Cette invisibilisation des femmes dans certains mouvements juifs orthodoxes actuels s’inscrit dans une dynamique globale. Ainsi, les surprenantes campagnes de luttes contre les violences faites aux femmes mises en place depuis les années 90. Défendre les femmes devrait amener à souligner leur humanité, leur puissance d’action, leur personnalité. Mais les campagnes de sensibilisation aux violences opèrent à l’opposé. Elles donnent à voir des femmes victimes, elles mettent en scène la puissance masculine viriliste, ainsi que le démontre la philosophe Elsa Dorlin, « ce que ces campagnes exhibent et ce à quoi, à qui elles s’adressent, c’est la violence jouissive des acteurs de violence ». Chaque fois qu’on voit une femme blessée, on réactive en nous l’association entre la femme et la faiblesse, association qui déshumanise les femmes et les présente comme d’éternelles victimes.
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