Naya Nashoba : la voix du loup intérieur
Naya Nashoba : la voix du loup intérieur
À 28 ans, la chanteuse belgo-turque Maya Nashoba trace un chemin singulier entre pop, folk et touches orientales. Avec son premier album, Je suis, elle s’affirme dans une quête artistique et spirituelle où fragilité et force se rencontrent.
Publié le
· Mis à jour le
Derrière le sourire lumineux, il y a un long chemin de doutes, de renaissance et de foi en la vie. Maya Nashoba, originaire du Brabant wallon, a toujours su qu’elle était faite pour chanter. Petite, ses parents l’encouragent à mêler sport et art : elle monte à cheval, danse, touche au violon et au piano. Mais, très vite, cette hypersensible découvre que sa véritable voie passe par sa voix. « J’ai toujours senti au fond de moi que j’étais faite pour chanter, comme un appel, un destin », confie-t-elle. À l’adolescence, une rencontre décisive avec un professeur de chant lui ouvre les portes d’un monde plus intime, où l’instrument est soi-même.
Après ses études secondaires, elle s’essaie à diverses formations en chant, théâtre, danse et musicothérapie, refusant de se laisser enfermer dans un cadre académique trop rigide. Peu à peu, ses premiers EP voient le jour — Mavi Bon’jouk en 2017, puis En chemin en 2020. La scène devient son terrain d’expression : plus de trois cents concerts, dont des premières parties pour Saule, forgent son expérience. Pourtant, derrière l’énergie et la discipline, un autre récit se tisse.
RENAISSANCE
En 2019, la jeune chanteuse sombre, marquée par des troubles alimentaires et un burn-out qui la cloue au lit pendant des mois. « Je pensais que le burn-out était réservé aux gens qui travaillaient trop. De mon côté, je n’arrivais plus à trouver l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. » S’ensuivent deux années de thérapie et un long travail de reconstruction. Elle apprend à mieux écouter son corps, à rétablir un rapport plus serein à la nourriture, au sport, à ses émotions. « Le but était de me sentir bien à l’intérieur pour mieux vivre ma vie à l’extérieur, explique-t-elle. J’ai mis cinq ans à me reconstruire, mais cela a changé ma manière de vivre et de créer. »
C’est dans cette traversée qu’émerge le nom de scène qui la définit aujourd’hui. « J’ai choisi Nashoba parce que cela signifie “loup” en langue amérindienne. Pendant ma dépression, j’ai senti un appel de cet animal. Le loup avance, il suit son instinct, même s’il ne voit pas le bout de la forêt. Je me sentais comme lui. » Elle ira jusqu’à écrire une chanson, L’appel du loup, qui résonne comme un manifeste intérieur.
CHEMIN DE VÉRITÉ
De cette reconstruction naît un virage artistique. Finies les chansons en turc qu’elle utilisait pour « être différente ». Désormais, c’est en français qu’elle se raconte. « Écrire en français m’a libérée. Ce sont mes émotions, ma vie. En turc, je ne suis pas complètement bilingue, je me sentais moins connectée. » Son premier album, Je suis, sorti en 2024, en est le témoin le plus parlant. On y retrouve des titres comme Ma folie intérieure, qui marquent une maturité nouvelle, plus directe et sincère.
« Mon premier moteur, c’était d’abord de faire de la musique pour être aimée. Aujourd’hui, c’est différent. J’écris pour moi, mais aussi pour les personnes qui se sentent seules, qui cherchent leur vérité. Le chemin peut être douloureux, comme un cri intérieur que personne ne voit. C’est exactement par-là que je suis passée. »Sa musique explore les dualités : force et vulnérabilité, lumière et ombre, visible et invisible. « On me dit souvent que je suis un mélange de force et de fragilité. C’est subtil. Sur scène, je montre de la force, mais cette force vient de ma vulnérabilité. »
Pour Maya Nashoba, la musique est indissociable d’une dimension spirituelle. « Je ne crois pas en un dieu, mais je crois en quelque chose de plus grand que nous. Chaque chanson est une étape de mon chemin. Je ne suis pas faite que de chair et d’os. » Elle résume son art par une image : un arbre. « Un arbre a autant besoin de ses racines que de ses branches. Il lui faut la pluie et le soleil pour grandir. Nous aussi, nous avons besoin autant de moments positifs que négatifs pour évoluer. » Dans cette métaphore, l’arbre devient le symbole de sa création : enracinée dans ses expériences douloureuses, mais tournée vers la lumière d’un avenir qu’elle façonne avec confiance.
RACINES ET INSPIRATIONS
Née d’un père belge et d’une mère turque, Maya a grandi entre deux cultures. Chaque été, elle rejoignait sa famille en Turquie. Elle garde aujourd’hui un lien fort avec ses proches, la mer et la cuisine, même si elle ne parle pas parfaitement le turc et se sent moins concernée par la culture du pays. « J’y ai passé les vingt premiers étés de ma vie, confie-t-elle. C’est une part de moi, mais j’ai maintenant besoin d’explorer d’autres horizons. » Adolescente, elle se souvient de sa fascination pour M. Pokora. « Beaucoup disaient qu’il n’avait pas de voix, mais moi j’admirais sa rigueur, sa discipline, son talent d’être. C’est un vrai showman. » Elle évoque également la comédie musicale à laquelle il a participé, Robin des Bois, qu’elle est allée voir quatre fois. « Le décor de la forêt, la magie du chant et de la danse, tout cela m’a donné l’envie d’être une artiste plurielle. »
Ce modèle lui a aussi transmis l’idée qu’un artiste ne se résume pas à sa technique, mais à ce qu’il incarne. « Ce que j’aimais chez M. Pokora, c’est qu’il vivait son art de manière totale. Ça m’a donné envie de rêver grand et de croire que tout était possible. » Aujourd’hui encore, elle garde de cette période un sens aigu du travail et de la persévérance. « Pour être artiste, il faut de la discipline, mais aussi la capacité de se remettre en question. » Ces racines, nourries par l’admiration adolescente et les premières émotions de spectatrice, se mêlent désormais à ses expériences de vie. Ses chansons sont le fruit de ses épreuves ainsi que de ses émerveillements.
Aujourd’hui, Maya Nashoba avance avec un équilibre retrouvé. Aux côtés de son compagnon Yoan, qui compose la musique et l’accompagne à la guitare, elle se projette avec sérénité. Sa mère assure le management et le booking, preuve que son projet est également une aventure familiale. Elle prépare de nouveaux concerts, notamment en novembre au Boabop Théâtre à Corroy-le-Grand. Mais ses rêves vont plus loin : « J’aimerais un jour partir en tournée internationale, et aussi explorer d’autres arts : le doublage de dessins animés, les comédies musicales, les spectacles équestres. »
Car, chez elle, la passion pour les animaux rejoint celle de la musique. « Il y a une partie de moi qui est sur scène, maquillée et pomponnée, et une autre qui est dans la poussière, avec les animaux, dans la nature. Les deux font partie de moi et s’enrichissent mutuellement. » Elle envisage même de devenir famille d’accueil pour animaux et de partager davantage sur ce sujet. En parallèle, elle donne des cours de chant privés et prépare une formation en ligne, dans la volonté de transmettre son savoir. Cette pluralité de projets n’est pas un éparpillement, mais un art de vivre. « L’important est de trouver l’équilibre, entre vie privée et vie professionnelle, entre ombre et lumière. » Maya Nashoba poursuit ainsi sa route, guidée par l’instinct du loup, mais les pieds bien ancrés dans sa terre intérieure. Son album Je suis témoigne de ce chemin de guérison et d’acceptation.
Virginie STASSEN
court-circuit.band/maya-nashoba
Concert le 08/11 à 20h au Boabop Théâtre de Corroy-le-Grand boabop.org/
