Robert Mordant, restaurateur d’objets de collection
Robert Mordant, restaurateur d’objets de collection
Dans son atelier ixellois, véritable caverne d’Ali Baba, les objets de porcelaine s’accumulent. Depuis près de quarante-cinq ans, Robert Mordant restaure ce que des clients, des collectionneurs, voire des musées, lui demandent de faire renaître. Recoller des morceaux, cacher une fissure, redorer un or… Artiste ou artisan ? « Je préfère artisan. Enfant, j’étais un gosse assez turbulent et qui faisait beaucoup de bêtises. L’adjectif ‘artiste’ était plutôt une étiquette négative de quelqu’un pas toujours dans le rang… »
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ÉCOUTE
« Je suis à l’écoute de ceux qui ont fabriqué un objet. J’essaye de reproduire le volume, le geste d’un créateur souvent inconnu. Mon travail est un peu frustrant, car on ne le voit pas », constate le restaurateur. C’est un métier de niche, très spécialisé. « Les clients demandent que mon intervention reste invisible. Beaucoup sont des antiquaires ou des personnes qui conservent des choses sentimentales, comme un cadeau reçu ou transmis. Malheureusement, aujourd’hui, les jeunes jettent tout. C’est la pop-up génération. »
FORMATION ARTISTIQUE
Ancien élève de La Cambre, Robert Mordant a connu un parcours de baroudeur à ses débuts. « C’est une aventure un peu hasardeuse. Une tante qui me propose de passer un examen aux Musées du Cinquantenaire. Un antiquaire qui m’envoie à Londres me former, car personne n’exerce le métier de restaurateur de porcelaine à Bruxelles. Fin des années septante, j’aurais aimé travailler chez Boch, à La Louvière, mais l’usine commençait déjà à fermer. » Son côté artistique, c’est aussi la danse : les claquettes, qui l’emmèneront à Paris, Broadway…

CARROSSIER
« Comme restaurateur, j’ai commencé petitement, dans ma cuisine, dans ma cave… Avant de m’installer ici. J’ai dû composer ma clientèle d’année en année. Je compare une partie de mon métier à celui d’un carrossier, explique-t-il en riant. Il est difficile de retrouver le même or, avec le même carat.
J’utilise divers matériaux comme des époxy, des vernis… Avant, on se fournissait en matériaux à Londres, La Mecque de la porcelaine. Aujourd’hui, c’est différent. Je suis devenu un peu anti-Londres… Et avec le Brexit, il faut plus d’un mois pour obtenir un vernis. »

LE CLIENT DÉFINIT LES LIMITES
« Cette assiette en faïence, avec un oiseau, est un objet de décoration. Je vais rendre les fissures invisibles et retravailler les bords en or, réparer le fond blanc… C’est un travail en étapes qui peut durer des jours ou des mois, en fonction de l’objet. » Après les pinceaux, l’aérographe et le four (pour
accélérer le séchage), la restauration sera sans doute enfin prête. « Tous les objets sont importants. Ce qui compte le plus, c’est la marque affective que le client porte à son objet. C’est parfois le seul souvenir qui reste de la famille, d’un grand-père… »



AUX PUCES OU AUX MUSÉES ?
Avec bientôt septante années au compteur, Robert Mordant n’est pourtant pas encore pensionné. Il garde une clientèle, tout en se faisant plaisir. « Deux fois par semaine, je traîne au Vieux Marché, place du Jeu de Balle à Bruxelles. Je chine des objets pour en réparer et en réinventer pour moi. Un poisson en nacre, un cheval auquel on ajoutera des ailes, ou encore un
un cheval auquel on ajoutera des ailes, ou encore un petit globe surmonté d’un vase. L’important, c’est de créer ! Le Belge est un collectionneur dans l’âme. Je suis rentré dans des collections fabuleuses, souvent ignorées. Le drame c’est le manque de place. Les musées sont saturés et cela limite les lieux de transmission. »
Textes et photos : Stephan GRAWEZ