« Génocide », au-delà du mot

« Génocide », au-delà du mot

Israël commet-il un génocide à Gaza ? Interrogé en juillet par la journaliste Élise Ann Allen pour une biographie à son sujet, le pape Léon XIV a fourni une “réponse de normand”. Dans ses propos, révélés récemment, il estimait en substance… qu’il ne pouvait pas se prononcer.

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Publié le

1 octobre 2025

· Mis à jour le

8 octobre 2025
Israël commet-il un génocide à Gaza ? Interrogé en juillet par la journaliste Élise Ann Allen pour une biographie à son sujet, le pape Léon XIV a fourni une “réponse de normand”. Dans ses propos, révélés récemment, il estimait en substance… qu’il ne pouvait pas se prononcer.

Certes, cet été, Tsahal n’avait pas encore lancé sur Gaza City un assaut imposé par le gouvernement Netanyahou. Mais les bombardements sur des hôpitaux, des structures d’accueil, des immeubles d’habitations… avaient déjà bel et bien lieu. Avec leur cortège quotidien de morts innocents, à commencer par des enfants. Les opérations d’affamement des populations gazaouies et leur déplacement vers le sud de l’enclave battaient aussi déjà leur plein.

Le souverain pontife serait-il actuellement plus affirmatif ? Rien n’est moins sûr, car la réaction exprimée par le sommet de l’Église catholique n’était pas d’abord de nature humaine, émotionnelle… mais politique. Le pape a expliqué : « Le mot génocide est de plus en plus utilisé. Mais nous, au Saint-Siège, nous ne pensons pas pouvoir, à ce stade, faire une déclaration officielle qui qualifie la situation ainsi. » Non que le pape ne soit pas affecté par ce qui se passe. Mais parce que « la définition de ce terme [génocide] est très technique, et il n’est pas évident que toutes les conditions qu’elle implique soient actuellement réunies. »

L’actuel successeur de Pierre est d’abord un fin stratège, un diplomate qui cherche à maintenir son Église au milieu du village. Se prononcer « pour » l’existence d’un génocide à Gaza ne peut entrer dans cette perspective. Alors que dire qu’en l’état, on ne peut pas qualifier la situation ainsi…

Pourtant, parlant avec son cœur, son âme ou ses tripes, en considérant les choses sans prendre position pour un camp, qui aurait envie de nier que ce que l’on appelle tous les jours “un génocide” a lieu à Gaza ? Mais ce que le langage courant met derrière “génocide” n’est pas ce qu’en dit la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par les Nations Unies en 1948. Celle-ci prévoit qu’il faut certes certains actes (tuer, causer des atteintes graves, imposer des conditions de vie destructrices, empêcher des naissances, transférer des enfants…), mais aussi une intention spécifique de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tant que tel. Et c’est bien sûr sur ce point que juristes et diplomates s’écharpent, cette intention étant difficile à prouver, chacun brandissant sa propre liste d’arguments.

Qu’il s’agisse de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide, dans la chair et la douleur des êtres, où est la différence ? On ne peut contester les horreurs qui ont mis le feu aux poudres. Mais on ne peut non plus nier les ouragans de violences et de tueries qui y ont répondu. 

« Tu ne jetteras pas un regard de pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied », disait notamment l’Ancien Testament (Deutéronome 19, 21). « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent. Eh bien moi je vous dis de ne pas résister au méchant ; mais si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre », est-il par contre écrit dans l’Évangile de Matthieu (5, 38-39).

Hélas, en Palestine, on n’en est plus à compter le nombre de vies réclamées au nom de la « sécurité » d’un État et/ou de ses dirigeants…

Frédéric Antoine

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