Bons baisers de Noël
Bons baisers de Noël
« Poète, prends ton luth et me donne un baiser », demande Alfred de Musset dans La nuit de mai. Dans la nuit de Noël, d’autres poètes, avec d’autres luths, nous donnent un baiser de paix.
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OUI ! PAS DU TOUT !
Le baiser, le baiser de paix en particulier, Jean Mouttapa en fait un bel éloge dans son remarquable ouvrage, Religions en dialogue (Albin Michel). Évoquant la rencontre d’Ésaü et de Jacob au lendemain de la célèbre lutte avec l’ange de Dieu, la Genèse nous dit qu’Ésaü courut à la rencontre de son frère, « le prit dans ses bras, se jeta à son cou et l’embrassa en pleurant » (Gn, 33,4). Ésaü était-il sincère ? Oui ! s’exclament certains commentateurs juifs. Pas du tout ! répliquent d’autres. Et chacun de s’en référer, à bon droit au texte hébreu, puisqu’à une lettre près, le verbe nechiqa, (embrasser) ressemble à s’y méprendre au verbe nechikha qui signifie… mordre ! Et lorsqu’on sait que ces deux lettres hébraïques, kof et khaf, ne se distinguent que par un seul point, on comprend que « l’espace qui sépare le baiser de la morsure est infinitésimal ». Les amoureux en savent quelque chose…
Éditeur et témoin passionné des grandes convergences spirituelles, Jean Mouttapa propose aux religions de « s’embrasser sans arrière-pensée ». Comment croire encore en son dieu ? demande-t-il, « comme si celui des autres n’existait pas ». La “paix sur terre” ne progressera que si je me nourris de la présence de l’autre sans le dévorer pour autant ! Et l’auteur d’inviter à approcher délicatement le visage de l’autre religion : « Par le baiser je ne vais que l’effleurer, et lui signifier ainsi que je renonce à toute violence. »
LA PAIX, LA FÊTE, LA JOIE
C’est aussi en renonçant à toute violence que les anges, les bergers et les mages convergent vers l’Enfant pour lui offrir le baiser de Noël. Ils se dirigent vers lui en compagnie d’un poète qui a beaucoup enflammé le baiser tout au long de son œuvre et a su si bien célébrer cette paix de Noël :
Jean Debruynne :
« Paix à toi, le cœur amoureux !
L’étoile est douceur
à tes branches,
portant le monde à tes deux yeux.
La paix
un enfant sur tes hanches,
ton corps
pour être corps de Dieu. »
Le baiser des anges a le goût de la paix. Paix aux hommes et aux femmes de bonne volonté. Tu me laisses la paix. Tu me donnes la paix. Toi, le tout doux.
« Enfant d’argile et de porcelaine,
Enfant de rires et de fontaines »
La paix est un petit enfant.
Le baiser des bergers, le plus piquant sans doute, frotté d’ail et de fromage blanc, a le goût d’une tendresse un peu rude. Fête aux hommes et aux femmes de bonne volonté. Tu me laisses la fête. Tu me donnes la fête. Toi, le tout tendre.
« Enfant d’un souffle d’Évangile
Enfant si fort d’être fragile. »
La fête est un petit enfant.
Le baiser des mages, plus parfumé, plus étranger aussi, a déjà un goût d’exode et d’aventure. Joie aux hommes et aux femmes de bonne volonté. Tu me laisses la joie. Tu me donnes la joie. Toi, le tout vif.
« Enfant de neige et d’innocence,
Enfant de vigne et de patience. »
La joie est un petit enfant.
Gabriel RINGLET
Les situations de Jean Dubruyne viennent de son livre Paix, Paris, Desclée de Brouwer, 1984, pp. 32 et 102.
