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Edito

LE DOUTE OU LA SUSPICION ?

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« Le vaccin, il n’a vraiment pas d’effets secondaires ? Et si on nous cachait le nombre de deÌ ceÌ€s qu’il a deÌ jaÌ€ causeÌ s ? » « Pourquoi les EÌ tats n’ont pas agi plus toÌ‚t pour proteÌ ger les gens dans les homes ? Peut- eÌ‚tre parce qu’en eÌ liminant les vieux, ils reÌ solvaient une fois pour toutes la question du couÌ‚t des pensions, non ? » « Qu’est-ce qui se cache vraiment derrieÌ€re l’interdiction de nous rendre aÌ€ l’eÌ tranger ? » « Pour- quoi SteÌ phane Moreau a eÌ teÌ incarceÌ reÌ aÌ€ Marche et pas aÌ€ Lantin ? Il doit avoir des juges dans sa poche. » « Et cette interdiction d’eÌ‚tre plus de quinze dans une eÌ glise. Absurde, alors qu’il y a des catheÌ drales grandes comme des terrains de foot ! Il doit y avoir une raison cacheÌ e. Comme si le gouvernement voulait simplement ainsi tuer toutes les religions. De la part de certains des ministres en place, ça n’eÌ tonne personne. Ils devaient reÌ pondre aÌ€ un ordre venu d’en haut !  »

Des questions et des affirmations comme celles-laÌ€, on pourrait en eÌ crire aÌ€ l’infini, tant il paraiÌ‚t aujourd’hui normal d’eÌ‚tre suspicieux face aÌ€ toute information communiqueÌ e par les meÌ dias, ou toute deÌ cision prise par tous les pouvoirs, et notamment par les pouvoirs publics. « On ne peut plus eÌ‚tre suÌ‚r de rien » n’est plus un adage que l’on prononce avec un clin d’oeil. C’est devenu un mode de vie. DeÌ€s qu’il se passe quelque chose, la machine de la suspicion cacheÌ e au fond de notre esprit se met en marche. Inconsciemment. En- fin, pas vraiment. Parce qu’elle a eÌ teÌ ameneÌ e aÌ€ partir de l’ideÌ e que, autour de nous, rien n’est plus suÌ‚r.

AÌ€ force d’eÌ‚tre sur les reÌ seaux sociaux, ouÌ€ circule tout et son contraire. AÌ€ force d’eÌ‚tre bombardeÌ s de mes- sages que nous n’arrivons plus aÌ€ trier et que nous avalons tout crus, quels qu’ils soient. AÌ€ force de consommer les petites videÌ os qui les accompagnent et qui, mine de rien, instillent en nous l’ideÌ e que rien ne peut eÌ‚tre vraiment vrai, si ce n’est ce que me fait suivre un ami suÌ‚r, qui lui-meÌ‚me l’a reçu d’une personne digne de confiance. AÌ€ force de laisser tout cela maceÌ rer en nous, les assurances que nous pouvons avoir se sont leÌ zardeÌ es. Ne laissant plus la place qu’aÌ€ des questions sans fin, et aÌ€ l’eÌ laboration de tous ces types d’absurdes reÌ ponses possibles qui finissent par fissurer morceau par morceau le tissu social de notre monde.

Pourtant, pratiquer le doute est fondamentalement une bonne chose. Il est lieÌ aÌ€ l’identiteÌ humaine. En reprenant (presque) Descartes, on peut faire dire aÌ€ l’Homme : « Je doute, donc je suis.  » Le doute permet, normalement, de ne pas gober toutes les infos qui circulent, de remettre en cause ce qui se passe et qui ne paraiÌ‚t pas normal. Le doute geÌ neÌ€re un esprit critique, mais pas malade de la suspicion. Le doute est ouvert aÌ€ tout type de reÌ ponse et, surtout, il met celui qu’il assaille en marche vers la reÌ ponse. Il ouvre le chemin de la responsabiliteÌ et de l’intelligence. Pas un croyant sinceÌ€re n’a, un jour ou l’autre, pas eÌ teÌ pris par un doute. La foi d’un grand nombre de gens n’est paveÌ e que de doutes, elle peut meÌ‚me n’eÌ‚tre que doute. Et c’est ce qui la fait progresser et grandir. C’est en eÌ tant critique par rapport aÌ€ ses convictions et ses croyances qu’on se les approprie. Longtemps, les religions ne l’ont pas toleÌ reÌ , et ont asseÌ neÌ des veÌ riteÌ s toutes faites qu’il n’y avait pas lieu de discuter. Ces temps-laÌ€ sont reÌ volus. Posons-nous des questions, remettons des choses en cause, discutons-en. Le doute, le vrai, le pur, est en effet salvateur.

Mais ne tombons pas dans la suspicion systeÌ matique et dans les theÌ ories hasardeuses qu’elle engendre, et qui gangreÌ€nent notre socieÌ teÌ .

Doutons donc. Mais doutons bien.

Frédéric ANTOINE.

ReÌ dacteur en chef

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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