AUX URNES, LES “PEOPLE”
La démocratie sortira-t-elle du désamour dont elle fait l’objet si, demain, les élus de la Nation ne sont plus des politicien·ne·s professionnel·le·s mais des mon- sieur et madame Tout-le-monde ?
Certains voient dans cette relève des politiques par des personnes (presque) normales une des voies pour réduire le fossé séparant “le peuple” de celles et ceux que ce dernier élit pour gérer l’État à sa place. Faire entrer de “vrais” gens dans les Parlements et dans des gouvernements : la solution est tentante. Pour combattre l’entre-soi du monde politique et ses “petites combines”, quoi de mieux qu’un bon coup de balai dans les vieilles fourmilières mitées, et leur rem- placement par des essaims d’élus flambant neufs, qui n’auraient pas, eux, l’ambition de “faire carrière” ?
D’un côté des experts professionnels aux intentions pas toujours claires ; de l’autre des amateurs naturellement désintéressés et pleins de bonne volonté : la dichotomie rappelle peut-être un peu trop la remise en cause générale des élites qui déferle à longueur de journée sur les réseaux sociaux...
Inviter des non-politiciens sur leurs listes, cela fait en tout cas quelques élections que les partis exploitent l’idée, en commençant par recruter des journalistes de l’audiovisuel. Ceux qui, après avoir été des attrape-voix, ont pu réellement marquer la politique de leur empreinte n’ont cependant pas été nombreux.
Quoi qu’il arrive, les élections de juin tiennent déjà un record : celui du nombre de candidats n’appartenant pas au sérail que les états-majors politiques auront convaincu d’entrer dans la bataille. Cette fois, il ne s’agit plus seulement de ratisser parmi le personnel journalistique ni dans l’audiovisuel, mais d’afficher sur les listes des “personnalités” de la “société civile” issues de domaines les plus variés possibles.
Des “people” du moment dont les enrôlements ont, à chaque coup, fait l’objet de campagnes de communication bien orchestrées. À côté de ces “people” réputés, les listes comptent aussi d’autres tenants de la société civile, connus de quelques poignées d’électeurs seulement. De ces prises-là, les partis se targuent souvent moins. Car ce ne sont pas elles qui feront pencher la balance.
Une partie de l’électorat se retrouvera sûrement dans ces “modèles”, parfois inspirants, mais qui se rapprochent aussi souvent des stars que font admirer les médias.
Il ne viendra l’idée à personne de remettre en cause leurs professions de foi pour le programme de tel ou tel parti. Mais, s’ils sont élus, ces néophytes auront-ils l’occasion de faire triompher leurs convictions, voire de les inscrire à l’ordre du jour d’un gouvernement ? Ou ne risquent-ils pas d’être réduits au même rôle que ces membres de la société civile qu’Emmanuel Macron avait recrutés au lendemain de son élection, et qui se sont souvent révélés être plutôt des pions que des sources inspirantes ?
Qu’un courant d’air frais soit nécessaire pour chasser la poussière de la chose publique est une évidence. Qu’ouvrir le jeu à de nouveaux entrants ayant de véritables projets, et que les partis politiques leur donnent les moyens d’accéder à l’agenda de la société est plus que souhaitable. Le lendemain des élections dira si tout cela aura eu du sens, ou été une simple opération de ravalement...
L’appel s’intéresse ce mois-ci aux jeunes, qui semblent faire si peu confiance aux politiques. Et a rencontré l’éditorialiste en chef du journal Le Soir, qui s’est entretenue avec des électeurs sur le terrain. Deux regards pour un peu nourrir l’espoir.
Frédéric ANTOINE
Rédacteur en chef