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L’Église catholique à la croisée des chemins.

Si l’Église catholique a traversé depuis la Révolution le cap de multiples défis, politiques, sociaux, culturels, elle est aujourd’hui bien en peine, face aux enjeux vertigineux du monde, de proposer une parole à la fois humble et audacieuse, neuve et audible pour tout un chacun. La révélation des abus sexuels et spirituels, l’invite à une remise en cause fondamentale.

UNE DISPARITION ?

Aussi loin que nous pouvons remonter dans le temps, le catholicisme a vu sa légitimité remise en cause. Déjà dans les premières communautés chrétiennes, les disciples n’étaient pas d’accord entre eux sur la manière d’interpréter l’enseignement de Jésus. L’Évangile de Thomas découvert fortuitement en Égypte en 1945, en est l’illustration. Ce qui est interpelant, comme l’écrit François de Borman dans son livre L’évangile de Thomas –“ Le Royaume intérieur , « c’est le constat que nous sommes actuellement témoins de l’effacement de l’héritage chrétien de nos cultures occidentales. Pour de nombreuses personnes, les paroles prononcées dans les églises et les temples sont devenues inintelligibles, voire insupportables. Or par son insistance sur la responsabilité personnelle, l’Évangile de Thomas me semble bien plus compatible avec nos mentalités empreintes de liberté, d’accomplissement de soi et de souci des autres, et rétives à une autorité dont on estime souvent qu’elle intervient trop directement dans notre vie intime ». Il convient de se rappeler aussi la crise profonde qui a donné naissance au Protestantisme. Déjà à l’époque, des abus et certaines pratiques de l’Église catholique sont remises en cause et le moteur de la séparation. « Une disparition pure et simple ou ne demeurent que des traces culturelles ; une dissolution dans des valeurs humanistes communes ; un retour à la radicalité et à la tradition ». C’est par ces mots, qu’en 2001, dans son essai La quatrième hypothèse. Sur l’avenir du christianisme, Maurice Bellet décrivait les possibles devenirs de l’Église et de la religion. Parmi les jeunes essentiellement mais pas uniquement, beaucoup se sentent indifférents à la question. Il est vrai que les célébrations desséchées, des responsables de l’Église qui ont commis des crimes ou les ont couverts et un cléricalisme nouveau, ne créent pas d’enthousiasme ni même d’intérêt chez la jeune génération même celle qui a été biberonnée aux choses religieuses. Un ouvrage paru au printemps dernier signé par deux sociologues des religions Vers l’implosion –“ entretiens sur le présent et l’avenir du catholicisme affronte la question. Son projet, selon Jean-Louis Schlegel, « est lié au sentiment basé sur de nombreux signes et arguments, qu’une longue phase historique se termine pour le catholicisme européen. Faute de réformes, l’Église catholique déjà affaiblie, se trouve avec les crises qu’elle vient de traverser et qui ne sont absolument pas résolues,( dont elle-même ne voit pas comment elles pourraient l’être), devant un tournant historique où l’avenir n’est pas écrit. Il est frappant de constater que les séismes récents ont bouleversé les pratiques et les convictions de nombreux « simples catholiques » qui n’attendent plus rien, ou peu, des autorités de l’Église. Pourtant le catholicisme qui s’effondre ne fait pas place à « rien » : selon certains, il se transforme et produit silencieusement de nouvelles figures, inédites, de la foi et de la pratique, dont les simples catholiques peuvent être les acteurs. »

LA SONNETTE D’ALARME

Dans un livre à paraître aux éditions Jésuites Église catholique –“ renaître ou disparaître, Charles Delhez tire avec gravité la sonnette d’alarme. Selon lui « L’Église est désormais pour beaucoup un obstacle à ce qui demeure prioritaire : l’annonce de la bonne nouvelle évangélique. En quelques mots tout est dit », écrit Christine Pedotti dans la préface de l’ouvrage. Elle poursuit : « Son analyse se déploie avec rapidité et efficacité. D’abord à propos du « monde » , cette modernité ou postmodernité où les hommes et les femmes protègent jalousement leur autonomie au risque de la solitude, mais un monde aussi où l’égalité entre tous et toutes est une valeur essentielle, et où l’aspiration à la participation de tous et toutes aux décisions est si importante qu’elle secoue nos anciennes pratiques démocratiques ». Charles Delhez remonte jusqu’au concile Vatican II, si souvent accusé de tous les maux par les courants les plus traditionnels. Il a raison car c’est justement cette dissonance qui, déjà , était au coeur des préoccupations de Jean XXIII et des pères conciliaires : reprendre la conversation avec le monde et y lire « les signes des temps ». Signes d’espoir ou d’inquiétude, mais lire, c’est-à -dire écouter, entendre, comprendre avant de juger, de repousser, d’ignorer. Les leçons du Concile sont trop souvent oubliées.

UN TROP LONG SILENCE

L’ouvrage des deux sociologues, Danièle Hervieu-Léger et Jean-Louis Schlegel, évoque largement les abus sexuels dans l’Église de France qui a abouti au rapport de la CIASE (commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église). De nombreux pays européens ont connu ces mêmes scandales. Danièle Hervieu-Léger pense « que nous n’avons pas encore la pleine visibilité du désastre institutionnel dont nous sommes les témoins. Car il s’agit bien d’un désastre institutionnel et non la dérive de quelques brebis galeuses. C’est le fait fondamental révélé par la CIASE. Cela rend le message évangélique difficilement audible, il sonne faux. Et ce sentiment de fausseté s’aggrave de la crise des abus ; comment une organisation qui a dissimulé les crimes sexuels de certains de ses responsables pourrait-elle être encore crédible alors que depuis plusieurs décennies, c’est précisément sur les questions de normes sexuelles qu’elle a posé sa communication ? « Faites ce que je dis mais pas ce que je fais » est un sommet d’hypocrisie que nul ne peut plus supporter dans le monde de communication et de transparence qui est le nà´tre ». Lors d’une interview récente sur TV5 Monde, dans l’émission de 64’Le monde en français, Gabriel Ringlet estime que le terme pédophilie est trop doux. Il faut parler de pédo-criminalité. Il explique avoir accompagné des dizaines de victimes et a fait d’ailleurs rapport au Parlement belge. Pour lui, il est fondamental que l’Église aborde frontalement la question, de manière structurelle et non superficielle. Et qu’elle s’interroge sur les raisons de ce désastre. Il y a aussi une relation au sacré qui pose problème. L’ajout de la dimension spirituelle, « regarde mon petit comme Dieu nous aime », est une dimension grave des abus sexuels dans l’Église. A l’occasion d’une conférence donnée en décembre 2019, le dominicain Ignace Berten, s’est exprimé sur l’Église. Il constate qu’elle traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. « Nombre d’analystes disent qu’il s’agit d’une crise au moins aussi grave que celle de la Réforme au 16e siècle. Des prêtres, des évêques, des cardinaux sont directement mis en cause. L’institution a couvert les choses par un trop long silence. Cela nous touche et nous bouscule. Que nous soyons plus ou moins proches de l’Église institution, c’est une certaine image de l’Église qui s’effondre. Il y a d’abord tout ce qui se révèle et que personne ne pouvait imaginer à ce point : l’ampleur des crimes de pédophilie de la part de prêtres et de religieux. Ce sont ces révélations qui ont le plus marqué les croyants. Les premières alertes ont été données au début des années 80. Rome a fait comme si elle n’entendait pas. Et à cette époque, il y a eu relativement peu d’échos dans les médias. Il semblait que c’était seulement quelques affaires locales. Depuis vingt ans, dans différents pays, la presse s’est emparée de la question, et on n’a plus pu éviter des enquêtes judiciaires et publiques. Et en Europe centrale, en Afrique, en Asie les réalités ne sont pas encore apparues au grand jour... ». Plus récemment, des pratiques d’abus de pouvoir sur les consciences, dénoncées par le pape François, ont été révélées. En particulier dans certains mouvements, qui avaient reçu l’appui de Jean-Paul II : Frères et Soeurs de Saint Jean, Légionnaires du Christ, Opus Dei, Focolari ... Par ailleurs, ce cléricalisme repose aussi sur une certaine conception de l’identité du prêtre. Se sachant intouchable et vénéré, le prêtre peut tout se permettre et abuser de son pouvoir, de son statut, en laissant entendre et parfois en disant explicitement que ce qu’il fait sexuellement à un jeune l’est pour son bien. Sa parole est aussi sacralisée. Se sachant respecté et intouchable, le prêtre peut plus facilement céder à la tentation, et cela d’autant plus qu’il n’est peut-être pas suffisamment équilibré psychologiquement, qu’il se sent mal dans sa peau et ne supporte peut-être pas un certain isolement affectif.

RÉSEAUX D’INFLUENCE

« L’enquête Sodoma (titre du livre-enquête de Frédéric Martel paru en 2019) relative à l’homosexualité dans le clergé est accablante, relève Ignace Berten. Sodoma ne dénonce pas le fait qu’il y ait des homosexuels ou une proportion plus importante d’homosexuels dans le clergé. Il dénonce la constitution de réseaux, réseaux d’influence et de pouvoir qui gangrènent le fonctionnement des institutions ecclésiales. La question se pose d’une telle présence de l’homosexualité parmi les prêtres et dans les séminaires ou maisons de formation religieuse ? Quand l’homosexualité en tant que telle est condamnée dans la société et quand repose un véritable tabou sur le sujet, un jeune ne se sentant pas trop bien dans sa peau et pas attiré par les femmes, se découvrant parfois explicitement homosexuel, mais souvent pas clairement, un tel jeune peut être tenté par la prêtrise ou la vie religieuse. Il se dit et espère qu’il pourra peut-être guérir d’une telle tendance dont il se sent coupable : certains disent avoir cru que du fait de l’ordination le problème serait définitivement résolu. Mais ce jeune tombe dans un milieu où d’autres ont fait le même calcul, et où certains un peu plus anciens sont passés à la pratique. Un enchaînement met en place une forme de solidarité entre homosexuels, cette réalité étant couverte d’une chape de silence par rapport à l’extérieur. Et dans certains cas, il y a alors création d’une sorte de mafia de reconnaissances réciproques, d’appuis, de pouvoirs... Et cela jusqu’au sommet de la Curie romaine ». Gabriel Ringlet, qui est partisan du mariage des prêtres, élargit le propos en estimant que cela devrait être naturel que l’on choisisse son état de vie. Ce qui n’est pas normal, c’est le lien qui est fait entre sacerdoce et état de vie. « Il faut s’interroger sur ce que signifie former un prêtre aujourd’hui. Ceux qui deviennent prêtres doivent être beaucoup plus laà¯cs. Ils devraient être habillés comme tout le monde et ce n’est pas un détail. Pourquoi un signe distinctif ? Cela signifie-t-il que je ne suis pas un homme comme les autres. Le prêtre devrait aussi avoir un métier, intellectuel ou manuel, car un prêtre qui travaille tout le temps dans des questions religieuses et d’Église n’a plus assez de distance par rapport à sa vocation. » En ce qui concerne les prêtres, il faut souligner les ambiguà¯tés du titre de père. Ce titre n’est sans doute pas totalement illégitime, malgré la mise en garde de Jésus : « ne vous faites pas appeler père ». La paternité spirituelle bien comprise a du sens, selon Ignace Berten. À condition qu’on tienne sa place. « Il peut y avoir une dérive par laquelle, en raison de ce rapport à la paternité, quand le prêtre ou le supérieur religieux usurpe la place de Dieu Père. Le titre de père comporte de fait le risque d’induire l’abus de pouvoir. Personnellement, je me réjouis de ce que, dans notre Ordre depuis Vatican II, officiellement nous ne nous désignons plus comme pères mais comme frères, et nous demandons donc généralement d’être aussi appelés ainsi ». Nous pouvons aussi nous poser la question des bâtiments religieux. Certaines résidences d’Évêque, que l’on nomme parfois palais épiscopal, comme ceux du Vatican, peuvent interpeler quant à leur rapport à l’Évangile et aux Béatitudes...et donner le sentiment à certains ecclésiastiques, d’appartenir à une certaine noblesse.

QUE FAIT LE PAPE ?

Quelle peut être la place du Pape François dans le questionnement actuel sur l’Église catholique ? Depuis le début de son pontificat en 2013, la liste des essais qui témoignent des difficultés qu’éprouve le Pape ne cesse de s’allonger. La défiance que certains entretiennent envers le Pape n’est plus un secret. Sa décision de ne pas résider dans les appartements pontificaux, mais dans une communauté religieuse où il peut vivre modestement a aussi été interprétée comme le souci de préserver sa vie...Car en voulant réformer la Curie, en brisant les baronnies, les jeux de pouvoir, les intérêts financiers en disant les nombreuses maladies de la Curie, comme son Alzheimer spirituel, sa fossilisation mentale, son terrorisme des bavardages et ses faces funèbres, il n’a pu que se créer des inimités de tous ceux qui voyaient leur privilèges mis en cause... Il a aussi ouvert de nombreux dossiers délicats. Autant de boite de pandore qui ont suscité sur sa gauche, espoirs et puis déception. Dans le même temps ou il recadre les souhaits de réformes progressistes des catholiques allemands, François se montre dur avec les catholiques plus traditionnalistes, cette Église de la dentelle qu’il n’apprécie guère. A force de bousculer sa gauche et sa droite, il en résulte une opposition protéiforme selon les pays et les continents. Ignace Berten explique qu’il fait effectivement face à des oppositions de plus en plus brutales, qui impliquent des cardinaux de premier rang et nombre d’Évêques, entre autres au sein même de la curie, qui directement ou indirectement l’accusent d’hérésie, de destruction de la foi. La demande publique d’un procès canonique de déclaration d’hérésie en vue d’une déposition circule. Cette opposition prend plus ou moins ouvertement appui sur le pape émérite Benoît XVI sans doute pour une part instrumentalisé. Certains en viennent à penser que François devrait démissionner en expliquant qu’il a tenté de changer fondamentalement l’Église mais qu’il n’y a pas réussi. Ce pourrait être une geste fort qui donnerait l’impulsion du vrai changement que tant de chrétiens attendent.

SOUFFLE CRÉATEUR

Maurice Bellet organisait en Belgique et grâce à Myriam Tonus, trois fois par an, des rencontres d’une quinzaine de personnes autour du thème de son livre en création. A l’occasion d’une de ces rencontres, un participant lui demandait ce qu’était pour lui l’Église. Il avait simplement répondu, qu’il y a Église là où il y a « l’agapè ». « Pour lui, l’Église n’est pas un contenu de certitudes, mais un chantier. Elle est le rapport entre le souffle créateur et la vie quotidienne. » « Mais peut-être , poursuit encore Maurice Bellet, que le temps des choses capitales n’est pas régi par la chronologie ; peut-être que la répétition peut être la répétition de l’inouà¯, comme après tout chaque naissance d’homme est une répétition banale –“ et, à chaque fois, l’inouà¯. Si l’Évangile est, ici et maintenant, cette parole-là , tout le reste nous nous en arrangerons. Tous ces problèmes d’Église qui tourmentent les chrétiens, ce sont problèmes : on s’y attaquera, mais on peut vivre sans qu’ils soient résolus. Mais si l’Évangile devient silence au lieu même de l’Évangile, alors tout le reste est vain ». Ce qui aujourd’hui paraît nouveau, selon Danièle Hervieu, par rapport aux diverses crises que l’Église a traversées, c’est que l’actuelle présente des traits systémiques, spécifiques, internes, dont on ne voit pas, hors de réformes radicales (actuellement impensables), le dépassement possible. Déjà dans un message de janvier 2016 intitulé « La décomposition du Christianisme » Maurice Bellet écrivait : « Là où la décomposition est en cours, il est urgent de la constater au nom de la foi elle-même, qui s’accommode bien mal du mensonge ou de l’inconscience, Il convient, à ceux et celles qui croient, d’avoir foi dans la foi –“ si on peut s’exprimer ainsi. C’est sans doute ouvrir un chemin que je n’ai même pas esquissé ici. Mais il n’aura chance d’aboutir ou plutà´t d’avancer que si l’on ne commence pas par une précipitation rassurante vers des solutions toutes préparées ».

PAS TOUS BENI OUI OUI

La conviction d’être dans une vérité que seuls les chrétiens détiennent, s’est encore illustrée récemment par la réflexion d’un séminariste interrogé dans La Libre Belgique(le supplément Quid) du 13 août 2022 : « quand je parle à des amis non-croyants, je remarque qu’il manque un sens à leur vie, Et notre rà´le est justement de les ramener à Jésus, pour leur bien. » Les penseurs laà¯cs ont dû être choqués ! Myriam Tonus n’a pas manqué de réagir utilement dans La Libre Belgique du 19 août, à la rubrique « opinion » dans les termes suivants : « Ainsi donc, seuls les croyants (catholiques ?) pourraient faire du sens dans leur vie et le rà´le du prêtre serait de ramener au bercail les brebis égarées, Pour leur bien... Tant d’inconscience et de sentiment de supériorité laisse sans voix... Qui es-tu donc, frère séminariste, pour juger, du haut d’un statut que tu n’as même pas encore, la qualité d’une vie humaine qui ne partage pas tes convictions ? Te rends-tu compte que ce sont précisément des propos et des positions de cette sorte qui à´tent toute envie d’en savoir plus sur ce qu’est la foi ? Te souviens-tu que Jésus, lorsqu’il se faisait proche des gens, se contentait (si je puis dire) d’éveiller l’étincelle de vie qu’ils portaient en eux et qu’il ne leur demandait pas de se convertir au judaà¯sme ? ». Gabriel Ringlet interrogé sur TV5 monde à propos de l’Église qui serait en danger de survie, explique : « je suis très heureux de voir à quel point les gens sont critiques et c’est bon signe. Ils ne sont pas de béni-oui-oui. Ils interrogent et interpellent leur Église, donc cela compte encore pour eux. Il est vrai qu’il faut prendre des tournants structurels fondamentaux. Si je reste dans l’Église ce n’est pas pour y occuper une fonction, c’est parce qu’un jour j’ai été brûlé par un texte qui s’appelle l’Évangile que j’essaie de rendre le plus concret et le plus vivant possible dans des circonstances très précises et donc cela on ne me l’à´tera pas. Je me sens à l’aise dans l’Église même quand je suis critique et c’est une bonne chose. Que l’on me permette d’avoir ma parole aujourd’hui et même de dialoguer par exemple à un journal télévisé avec un évêque avec qui je peux avoir une parole différente et que nous puissions tous les deux appartenir à la même institution, je trouve que c’est bon signe. »

LES FEMMES NE SONT PAS UNE MINORITE

Comme nous tous, comme le Pape, Charles Delhez a un sentiment d’urgence. « Il faut faire vite, car nous n’avons pas l’éternité devant nous. Le monde change à toute allure. Les générations se succèdent, de plus en plus éloignées de l’Évangile et des pratiques cultuelles. » Parmi toutes les questions que parcourt à traits vifs et nerveux ce petit livre, il y a bien sûr celle des femmes. « Évidemment, elle ne peut pas être considérée comme une question périphérique. Les femmes ne sont pas une « minorité » que l’Église devrait mieux accueillir, comme s’il s’agissait d’une peuplade indigène. Or c’est encore ainsi que la question des femmes est regardée par les « hommes d’Église » - on remarquera au passage que l’expression « femmes d’Église » n’existe pas. « Les femmes ne sont pas une affaire marginale. Parce que partout dans le monde, à tous les niveaux, y compris en dehors des sociétés occidentales, les femmes accèdent aux plus hautes responsabilités. L’exclusion des femmes est juste totalement et absolument incompréhensible à la quasi-totalité de nos contemporains et contemporaines. A elle seule, cette disqualification des femmes plonge l’Église catholique dans l’obscurité des choses anciennes, archaà¯ques, obsolètes. Peut-être faut-il vivre à l’ombre des murs du Vatican ou sous ceux des antiques cathédrales pour ne pas s’en rendre compte... » Gabriel Ringlet, interrogé sur la proposition faite au Pape d’ordonner des femmes, dit qu’il est fondamental que l’Église ait un visage beaucoup plus féminin et pas seulement en superficie. Il faut que la théologie soit plus féminine, que le langage soit plus féminin et qu’il y ait des femmes prêtres comme dans d’autres Églises. Tous les arguments de l’Évangile et de la tradition, vont dans ce sens là . Jésus a eu une très grande audace dans les rà´les confiés aux femmes et s’il n’a pas appelé des femmes parmi les apà´tres, c’est parce que c’était impensable dans le contexte de l’époque.

DEMAIN

Charles Delhez dans son livre à paraître, emmène ses lecteurs et lectrices « vers un christianisme « hors- les -murs », dans lequel la paroisse a cessé d’être un centre et qui retrouve la simplicité des « maisons » ; un christianisme qui accepterait d’oublier la puissance de l’institution pour retrouver la communion et la fraternité. Pour oser ce passage, il va falloir se défaire de la nostalgie de la chrétienté ... où les clochers sont encore plus nombreux que les éoliennes... ». Dans La Libre Belgique du 1 septembre 2022, nous pouvons lire : « plus de 200 jeunes catholiques appellent au maintien d’une Église classique. Dans une lettre ouverte publiée par les médias catholiques belges : « les jeunes ont soif d’absolu...Ils ne veulent pas vivre une foi diluée ou dénaturée...Nous avons la conviction que le célibat des prêtres est un trésor de l’Église...Nous croyons fortement à la complémentarité des sexes...et nous refusons toute forme d’égalité des rà´les qui ferait de la femme, –˜un homme comme un autre’ ». Ils pensent avoir tout compris... ! Maurice Bellet dans la quatrième hypothèse écrit : C’est « comme si nous étions sur une ligne de départ, à l’orée d’un nouvel âge d’humanité ». Ce constat me paraît pertinent, poursuit Myriam Tonus. « Nous vivons désormais en postmodernité, dans un monde en pleine mutation. Toutes les dimensions de la vie humaine s’y trouvent interrogées : la relation à l’espace et au temps, la famille, le travail, les modes de consommation ; etc... S’imaginer, comme le font certains clercs, une Église éternelle, imperméable à ces mutations, rivée à sa tradition, me paraît hâter et approfondir la désaffection et les clivages désormais perceptibles au sein du monde catholique. Il y a crise, oui. Le tout est de choisir si l’on tente de la masquer ou si on la considère comme une opportunité d’inventer l’avenir. ».

Thierry MARCHANDISE

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