En colère pour dire : « J’existe ! »

En colère pour dire : « J’existe ! »

Seul ou en groupe, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, la colère est commune à tous, partout, et tout le temps, généralement justifiée par un manque de reconnaissance. Le psychiatre Serge Tisseron cerne ce sentiment aux contours variés dans un ouvrage lumineux.

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Publié le

30 novembre 2025

· Mis à jour le

1 décembre 2025
Jeune femme hispanique portant un t-shirt rouge en colère avec le point levé
SE FÂCHER. Une réaction à l’injustice qui se déclenche individuellement ou collectivement.

« Et il va trouver dans le Temple ceux qui vendent bœufs, agneaux et colombes, et les chargeurs de monnaie, assis. Et il fait un fouet avec des cordes, et les expulse tous du Temple, à la fois les agneaux et les bœufs, et les chargeurs de monnaie. Il disperse les pièces de monnaie. Oh il renverse les tables ! À ceux qui vendent les colombes, il dit : “Enlevez ça d’ici ! Ne faites pas de la maison de mon père une maison de commerce !” » Cette colère de Jésus (ici dans l’Évangile de Jean) est célèbre. Comme, dans l’Iliade, celles d’Achille, successivement contre les Achéens et les Troyens. L’histoire humaine et politique est traversée de colères. Mais aussi l’artistique. Chez Sophocle, Antigone brave son oncle Créon qui refuse d’enterrer son frère Polynice. Et, dans la tragédie de Shakespeare, Iago voue une haine féroce à Othello. Jusqu’à la fureur de Michel Piccoli dans le film de Claude Sautet, Vincent, François, Paul et les autres, qui ne supporte pas d’être mis face à ses contradictions tandis qu’il découpe le gigot dominical. Et, bien sûr, le capitaine Haddock vociférant, dans Le crabe aux pinces d’or, des « Emplâtres », « Ectoplasmes », « Bachi-bouzouks » et autres « Doryphores » contre ceux qui ont eu l’audace de briser sa bouteille de whisky. 

COLÈRE LÉGITIME

Aujourd’hui, pour de multiples raisons, tout le monde est en colère. Les différentes catégories professionnelles, afin d’obtenir davantage de reconnaissance, les jeunes – et moins jeunes – contre l’inaction climatique, les propalestiniens – mais pas qu’eux – contre la guerre à Gaza, les cyclistes face à l’arrogance des automobilistes… La colère semble être l’émotion la mieux partagée. « D’autant plus que celui qui l’éprouve la ressent toujours comme légitime. Elle est auto-gratifiante, auto-justifiée. Avec la honte ou la culpabilité, on peut avoir des doutes sur leur bienfondé, pas avec la colère », abonde Serge Tisseron, auteur de La colère et le chagrin, sous-titré « D’une émotion intime à sa mobilisation sociale ». « C’est une émotion par laquelle on est porté, dans laquelle on est immergé. Et lorsqu’on commence à se mettre en colère, il n’y a pas de raison de s’arrêter. La seule façon, c’est quand d’autres nous le font remarquer. Avec, d’ailleurs, le risque de répondre en hurlant : “Mais non, je ne suis pas en colère !”. »

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