Johan, à la pêche avec son cheval de mer
Johan, à la pêche avec son cheval de mer
Au XVe siècle déjà, les moines de l’abbaye des Dunes, à Coxyde, se fournissaient en crevettes fraîches auprès des pêcheurs à cheval de la région. Cette technique était alors répandue dans toute la mer du Nord. Elle ne subsiste plus aujourd’hui qu’à Oostduinkerke, où elle a été institutionnalisée. Une quinzaine de pêcheurs perpétuent cette tradition centenaire. L’un d’eux, Johan Casier, en est un fervent défenseur.
Publié le
· Mis à jour le




JOHAN ET EDDY
Chaque fois que Johan Casier se rend à la plage avec Duke, il y a des embouteillages à la clé. Normal, quand un cheval de trait et sa remorque remontent la rue principale d’Oostduinkerke… Mais, ici, cela ne gêne personne. Car on en est plutôt fiers, de ces derniers pêcheurs de crevettes à cheval. Surtout depuis 2013, lorsqu’ils ont été inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Johan (60 ans) est le beau-fils d’Eddy D’Hulster (photo du milieu), qu’il emmène toujours quand il part à la pêche. Depuis 2004, il tient avec sa femme
l’auberge attenante à Navigo, le musée national de la pêche. Un vrai privilège, réservé à un authentique pêcheur à cheval. À 80 ans, Eddy est, lui, un des plus fameux paardenvissers, et le fondateur de l’Ordre royal du pêcheur à cheval. Lorsqu’il était jeune, cette occupation était encore un métier. Elle est devenue un hobby. Mais les pêcheurs officiellement reconnus par la commune se retrouvent toujours d’avril à septembre près de trente-cinq fois par an pour perpétuer la tradition.


L’ART DE LA DRAGUE
Partir à la chasse aux crevettes Crangon crangon, celles qui sont made in mer du Nord, n’est pas une sinécure. Il faut non seulement posséder un cheval de trait de type brabançon, chose de plus en plus rare, et l’entretenir au quotidien, mais aussi accepter de sortir en mer quelle que soit la météo. Obligatoirement arrivé en bord de plage alors que la marée est basse, Johan arrime à Duke des paniers, ainsi qu’un long filet en forme d’entonnoir, maintenu ouvert par deux
planches latérales. Cette drague est rattachée à une chaîne qui traînera sur le sable. Les ondes de choc ainsi créées feront sauter les crevettes, qui aboutiront dans le filet. Le procédé est, si l’on peut dire, aussi simple que cela. À partir du moment où on aura réussi à grimper sur le dos de l’imposant cheval Duke, ce qui n’est pas toujours une mince affaire.


OSER SE MOUILLER
La plage d’Oostduinkerke est parfaite pour la pêche à cheval, car elle est rectiligne et ne présente aucun obstacle de type brise-lame. On peut donc ici “se mouiller” en toute sérénité. À condition bien sûr de porter bottes, cuissardes et veste en toile cirée jaune. Ainsi que, les jours de pluie, un chapeau de type Sou’wester, créé pour les paardenvissers par une designer de Coxyde, à la demande expresse de Johan. Jadis, la pêche pouvait être miraculeuse. Eddy D’Hulster
se souvient de l’époque où il ramenait jusqu’à cent six kilos de crevettes en une seule sortie. Et encore ne partait-il en mer que dans les temps libres que lui laissait son job d’opérateur à Radio Ostende. Aujourd’hui, même si les quantités sont moins imposantes, l’activité a toujours de l’avenir. La relève est en effet assurée par des jeunes, et par deux femmes pêcheurs.



L’EAU À LA BOUCHE
Une séance “normale” de pêche peut prendre deux heures. Mais, lorsque les pêcheurs sont entourés de touristes, elles sont en général plus brèves. De retour sur la plage, Johan trie le contenu des filets et en retire les poissons et les crabes. Les crevettes sont ensuite immédiatement cuites à l’eau de mer. Pour le plus grand plaisir des touristes, plusieurs fois par an, une grande opération de dégustation est organisée sur la digue. À peine sortis de la mer, Johan et son beau-père retroussent une nouvelle fois leurs manches, tant aux fourneaux,
qu’à la distribution. Les pêcheurs à cheval ne peuvent en effet pas commercialiser le fruit de leur travail, exigences de l’Afsca (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire) obligent. Mais rien ne les empêche d’en faire profiter familles et amis. Eddy d’Hulster le certifie : octobre est le mois de l’année où l’on déguste les meilleures crevettes fraîches. Il n’est donc pas trop tard pour faire un saut à Oostduinkerke et de se régaler. À condition de savoir comment les éplucher correctement…
Photos : Christine MASUY
Texte et photos additionnelles : Frédéric ANTOINE