La COP28 à Dubaï : destination, (dé)règlement climatique
La COP28 à Dubaï : destination, (dé)règlement climatique
Dubaï est décrite comme la ville des superlatifs. C’est là que se tient du 30 novembre au 12 décembre la COP28, grand-messe annuelle initiée par l’ONU où sont discutés les objectifs climatiques. Certains plaident pour son boycott.
Publié le
· Mis à jour le

L’émirat le plus connu des sept qui composent les Émirats arabes unis incarne le summum de la consommation dernier cri et du luxe. Le guide du Routard ne fait pas l’impasse sur ce haut lieu du tourisme mondial. Il avertit néanmoins : « Architectes, décorateurs et entrepreneurs du monde entier s’en donnent à cœur joie allant jusqu’à oublier le respect de l’environnement naturel : station de ski en plein désert, restaurants à perte de vue, tour la plus haute du monde, îles artificielles en forme de planète, hôtel sous-marin immergé au large des côtes… ». On ne peut s’empêcher d’y voir une forme d’avertissement à ceux qui ne négocient pas avec le respect de la nature et du vivant.
UNE LENTE PRISE DE CONSCIENCE
Dubaï. C’est pourtant là, au pays de la climatisation artificielle que se déroule la COP28. COP pour Conférence des parties qui se sont engagées à respecter la Convention des Nations-Unies sur les changements climatiques. Elles sont aujourd’hui au nombre de cent nonante-huit (cent nonante-sept États et l’Union européenne). Et nous en sommes à la 28e édition ; la première s’était tenue à Berlin en 1995. À l’époque, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) avait sonné l’alerte sur le réchauffement en perspective. Son premier rapport (en 1990) affirmait que les émissions résultant des activités humaines s’amplifiaient et risquaient d’augmenter encore considérablement les concentrations atmosphériques des gaz à effet de serre. Ces prévisions sous-tendent alors les échanges au Sommet de la Terre à Rio, en 1992, et la rédaction de la convention, dans le but de « prévenir les activités humaines « dangereuses » pour le système climatique ». Ce sont à terme trois textes d’engagements politiques pour ainsi dire agglomérés, l’un sur les changements climatiques, les deux autres sur la biodiversité et la désertification. Plus tard sera intégrée également une convention relative aux zones humides. Le document engage ses signataires, mais ne fixe pas au départ de mesures contraignantes.
DES ENGAGEMENTS LABORIEUX
Deux moments forts ont marqué particulièrement les COP successives : la COP3 en 1997 à Kyoto et la COP21 en 2015, avec l’Accord de Paris. Le protocole rédigé dans la ville japonaise n’entérine plus des promesses, mais des obligations de limitation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, juridiquement contraignantes pour les pays industrialisés signataires. Le processus est laborieux. Le texte ne sera pas ratifié par les États-Unis, un des premiers émetteurs mondiaux de CO², qui jouera jusqu’à aujourd’hui les allers-retours vis-à-vis de ces traités internationaux. Le Protocole n’entrera en vigueur qu’en 2005. En 2021, il est remplacé par l’Accord de Paris qui fixe un objectif commun à l’ensemble des parties : « Maintenir le réchauffement climatique sous la limite des 2°, voire 1,5° par rapport à l’ère préindustrielle. » Les cent nonante et un signataires se rangent derrière un même principe, celui de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, en fonction de leur capacité, tout en étant solidaires financièrement avec les pays les plus vulnérables aux impacts du changement climatique. Le moment est considéré comme historique, même si cet Accord reste jugé par certains insuffisant et son efficacité très relative. Les espoirs nourris des débuts semblent s’envoler au fil des éditions, minés par l’impression de grand-messes sans lendemain.
LA BELGIQUE EN SERA
Il n’empêche : la ministre belge Zakia Khattabi, en charge du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal (Pacte vert pour l’Europe, présenté en 2019 et visant la neutralité carbone européenne en 2050), mènera une délégation à Dubaï. Du côté de son cabinet, on reste réaliste sur les ambitions d’une telle participation, conscient que l’on en ressort très souvent déçu. Néanmoins, ajoutent ces acteurs politiques, les COP demeurent le seul lieu où le multilatéralisme sur les questions environnementales se vit à une telle échelle. Pour la ministre, la COP28 est cruciale, parce qu’elle se situe à mi-chemin entre l’Accord de Paris et l’année butoir de 2030 (objectif intermédiaire avant 2050, fixé à la réduction de 55% des émissions de gaz à effets de serre de l’Union européenne, par rapport au niveau de 1990). Une position concertée de la Belgique devra s’y établir. Les précédentes éditions ont montré les difficultés de l’exercice.
Quant à la destination que la délégation devra rejoindre, Dubaï, elle n’est pas sans rappeler les débats de l’an dernier, autour de la ville hôte de la COP27, Charm el-Cheikh, en Égypte. La ministre s’en remet à ce qu’Amnesty International, notamment, défendait comme point de vue en 2022 : se battre contre le dérèglement climatique, c’est se battre pour les droits humains. Pour la ministre, déserter cet espace de négociation de la COP serait en quelque sorte renoncer à affronter ces enjeux majeurs à l’échelle internationale.
APPEL À RECONSTRUIRE
Un mois avant l’ouverture de la COP28, une tribune parue dans Le Monde plaide pour son boycott, espérant que la politique de la chaise vide provoque un électrochoc. Les cent quatre-vingts signataires estiment en effet que la dérive de ces Conférences vire à la caricature, avec le choix de Dubaï et du Sultan Ahmed Al-Jaber pour la présider. Ce dernier, présenté comme « le patron de la plus grande entreprise d’énergies fossiles des Émirats arabes unis », participerait de la mainmise des lobbyistes des énergies carbonées sur les COP et de l’inaction annoncée. Ces auteurs en appellent à une reconstruction du rendez-vous climatique et à le placer sous la protection des Nations unies, afin de rendre les COP plus transparentes, plus équitables et plus cohérentes.
QUAND « CHAQUE DIXIÈME DE DEGRÉ COMPTE »
Alors qu’un certain défaitisme percole, l’heure est à la remobilisation. « Oui, la crise climatique est là et bien là. Dans de nombreuses régions du monde, le réchauffement fait des ravages. En Belgique, on en voit les premiers effets, comme les vagues de chaleur, les premiers signes de sécheresse ou les funestes inondations de l’été 2021. » Mais chaque dixième de degré compte ! C’est le leitmotiv de la marche pour le climat qui sera organisée le 3 décembre à Bruxelles. « Tous nos efforts doivent être amplifiés, systématisés, rendus systémiques par le monde politique et économique. Et cela doit arriver maintenant ! », martèlent les organisateurs.
Plus d’infos : marcheclimat.be
Catherine DALOZE