L’inconsolée de Christine Pedotti: courir vers la vie
L’inconsolée de Christine Pedotti: courir vers la vie
L’inconsolée est le récit du lent retour à la vie de Christine Pedotti après la mort brutale de son mari. Un rude combat qui ne gomme rien des interrogations qui la traversent.
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L’inconsolée est le récit du lent retour à la vie de Christine Pedotti après la mort brutale de son mari. Un rude combat qui ne gomme rien des interrogations qui la traversent.
« J’ai placé devant toi le chemin de la vie et le chemin de la mort, choisis la vie. » C’est par ce verset du Deutéronome (30,19) que s’ouvre le livre de Christine Pedotti, L’inconsolée. Cette phrase biblique donne parfaitement le ton du récit : un passage au travers du pays des ombres vers la vie qui revient. Un matin d’avril 2019, Claude, le mari de Christine Pedotti meurt brusquement. Ce n’est qu’après deux années qu’elle prend la plume pour raconter simplement son histoire, « celle de la réconciliation qu’il a fallu qu’[elle] opère entre la fidélité à l’amour et le désir de vivre ».
ENTRE DEUX RIVES
A-t-on le droit de continuer à vivre quand l’autre, l’aimé, est mort ?, s’interroge l’autrice. Son récit est celui d’une avancée sur un chemin étroit, d’une marche lente « sur un pont fragile tendu entre deux rives » où elle a eu très souvent « peur de basculer vers un gouffre ». Ce thème du balancement entre la vie et la mort est omniprésent. D’un côté, un chagrin incommensurable, une douleur sans nom, qui aspirent la survivante. D’un autre côté, un désir de vivre, plus fort que tout. Un contraste qui provoque un déchirement. Des deux côtés, la souffrance la fait hurler à la mort.
Pendant de longs mois, Christine Pedotti est traversée de questions. Et si, de son aveu, la foi ne lui donne pas de réponses, des passages entiers de la Bible lui remontent à la mémoire et lui font sens. Comme les Hébreux qui suivent Moïse vers une terre promise, elle veut croire en une promesse. Pour elle, le malheur n’a pas le dernier mot. Elle dit : « Le chagrin, la douleur ne sont pas le malheur. Le malheur est une impasse » ; « Moi, je voulais croire que je traversais, qu’il y avait un après. »
Comme Marie Madeleine tourne le dos à la mort près du tombeau vide, le jour de la résurrection, elle se détourne « de l’obsession de la mort ». Elle se libère de l’attachement au corps, pour pouvoir, elle aussi, courir vers la vie.
DES RITES COHÉRENTS
Christine Pedotti ne va plus au cimetière, après les funérailles traditionnelles. Elle est certaine que Claude n’a « rien à voir ni avec cette terre où on avait déposé le cercueil ni avec la pierre qu’on scellait avec soin ». Pour ne pas se laisser happer par la tristesse, le chagrin, les regrets, elle “invente” des rites cohérents avec la personnalité de son mari qui aimait les arbres. Elle organise une fête pour honorer Claude le jardinier, le jour où il aurait eu soixante-neuf ans, un mois seulement après sa mort. C’est un temps de retrouvailles et de mémoire. Au cours d’un repas partagé, elle et les amis admirent les arbres offerts pour les funérailles, plantés dans le jardin. Ce même jour, elle a rassemblé la douzaine d’enfants et leur a parlé de son mari et de la mort. Et parce que Claude collectionnait les anges, elle en a offert à chacun d’entre eux. « Je leur ai dit de garder l’ange comme celui-ci les garderait. »
Christine Pedotti dit d’elle-même qu’elle cherche plus l’affrontement au réel que l’artifice de la consolation. Elle évoque alors Jacob, dans lequel elle se reconnaît, qui s’empoigne avec un ennemi sans visage. Comme lui, elle ressort boiteuse de ce combat, mais debout. « Claudicante », précise-t-elle. Un mot qui fait sciemment clin d’œil au prénom de l’absent.
Premières vacances, premier Noël, les anniversaires, les fêtes… Toute une année s’écoule, celle « de toutes les premières fois » sans son mari mort. Un mot préféré dans sa brutalité à disparu, décédé… qui tournent autour de la réalité crue de l’absence. Puis une autre année devra se passer encore, à « traverser l’effroi de la mort et les étendues arides du chagrin », avant de pouvoir « célébrer sa propre Pâque » : trouver la paix avec la vie, avec elle-même et le souvenir de son aimé. L’inconsolée en trace le chemin.
Chantal BERHIN
Christine PEDOTTI, L’inconsolée, Paris, Albin Michel, 2022. 15,90 €