Vous êtes ici: Archives / Numéros parus / N°462

Edito

OÙ SONT LES HOMMES DE BONNE VOLONTÉ ?

Télécharger cet article

« Au même instant, il se joignit à l’ange une troupe de l’armée céleste, louant Dieu, et disant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté.  »
Cette année, qui n’aimerait voir devenir réalité cette louange à Dieu, telle que la rapporte saint Jérôme dans sa traduction des Évangiles ? Une attente que vienne la paix d’autant plus pressante que l’idée même de “paix dans le monde” n’a cessé de reculer ces derniers mois. Et s’est même éloignée de cet îlot si privilégié depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’est le monde occidental.

« Paix aux hommes de bonne volonté », voilà le message fondamental de Noël. Un message où
« homme » doit bien sûr être considéré comme un substitut du mot « humanité ». Et qui, selon l’Évangile de Luc (le seul à raconter en détail la naissance de Jésus), n’est exprimé ni par la Sainte Famille, ni par Dieu lui-même, mais par ces indéfinissables êtres dont raffole la tradition orientale : des anges.

« Paix aux hommes de bonne volonté » : chaque année, tous les chefs des religions chrétiennes le rappellent à Noël, même s’ils se résignent à l’exprimer comme un souhait, et non comme le constat d’une réalité.

« Paix aux hommes de bonne volonté  » est aussi le message que chacun peut adresser à ses proches, à Noël. Car si ceux qui sont à la base ne le portent pas, pourquoi les chefs qui nous gouvernent le feraient-ils leur ?

Dans la traduction latine venant de saint Jérôme (347- 420), cette invite prononcée par les anges ne vise qu’une partie de l’humanité : celle des hommes de bonne volonté. Eux seuls peuvent espérer la paix. Pas les autres. Or, là où sévit la guerre, n’y a-t-il pas, notamment à certains niveaux de pouvoir, carence d’hommes de bonne volonté ? Où sont-ils aujourd’hui ceux qui, selon les définitions des dictionnaires, ont « le désir de bien faire » ? “Bien faire” non juste pour leur camp, mais dans l’intérêt de toutes et tous.

L’actualité démontre que ce n’est pas ce désir-là qui motive bon nombre de prises de décisions dans les hautes sphères de nos sociétés, ou dans ces faits de la vie de tous les jours dont les récits nous atterrent.

Derrière tous ces drames, aucune bonne volonté. Or, sans bonne volonté, pas de paix. Quoique...

Les Évangiles ayant été l’objet de multiples traductions, toutes n’utilisent pas la même formule que saint Jérôme. Le Gloria que les fidèles récitent lors de l’eucharistie catholique reprend ainsi une traduction que l’on retrouve dans de nombreuses Bibles : « Paix sur la terre aux hommes qu’Il aime ». Une version inversée par rapport à celle de saint Jérôme, où les hommes n’ont pas besoin d’être de bonne volonté pour être aimés de Dieu. Mais où Celui-ci n’accorde sa paix qu’aux hommes qu’Il aime. Et pas aux autres. Choisira-t-Il ceux qui sont de bonne volonté ? Certains seront peut-être déçus...

Et puis, il y a ces traductions qui reformulent la parole des anges avec nuance, en leur faisant dire : « Paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » Une toute petite virgule, mais qui change tout !

Un élément de ponctuation grâce auquel la paix est accordée à tous les hommes, tandis que Dieu les aime tous. C’est cette version qui figure dans la nouvelle édition du missel romain, parue en 2021. Mais il faut bien reconnaître que, alors que la virgule apporte plus qu’une nuance, peu de monde semble y avoir accordé attention...

Alors, la quête aux hommes de bonne volonté n’aurait-elle plus lieu d’être ? Que du contraire. Aujourd’hui, gagner la paix est vraiment l’affaire de tous et toutes, quelle que soit sa volonté personnelle.

Joyeux Noël ! Et surtout, paix sur terre !

Frédéric ANTOINE, Rédacteur en chef du magazine L’appel

Mot(s)-clé(s) : L’édito
Documents associés
Partager cet article
Vous êtes ici: Archives / Numéros parus / N°462