Buizingen : une paroisse devenue communauté

Buizingen : une paroisse devenue communauté

Suite à de longues discussions avec l’archevêché de Malines-Bruxelles ainsi qu’avec le vicariat du Brabant flamand et de Malines, Don Bosco, à Buizingen, a perdu sa qualité de paroisse. Elle voudrait devenir une “église laboratoire”.

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Publié le

29 mai 2024

· Mis à jour le

20 février 2025
L'intérieur d'une paroisse avec des fidèles assis

C’est un dimanche un peu particulier, ce 28 avril 2024, pour la communauté (anciennement paroisse) de l’église Don Bosco de Buizingen, au sud de Bruxelles. Sans prêtre depuis près de 15 ans, elle s’est mise en fête pour son dernier curé (de 1981 à 2009), Rik Devillé. Elle en célèbre l’anniversaire et la promotion comme docteur honoris causa de l’université d’Anvers en raison de son action pour la reconnaissance des victimes d’abus commis par des gens d’Église. Très tôt, l’endroit bruisse de conversations. L’atmosphère est détendue, accueillante, paisible, lumineuse, chaleureuse.

UNE COMMUNAUTÉ VIVANTE

La disposition des lieux est particulière. Ils sont réaménagés en un espace ouvert apprécié par la centaine de fidèles fréquentant cette église qui accueille, outre les eucharisties, différentes activités, notamment psycho-sociales. Une longue table composée de huit éléments en bambou symbolise la Cène et occupe la partie centrale du bâtiment. De part et d’autre, des rangs de chaises font face aux tables d’autel. Le chœur, entièrement rénové, donne accès à l’arrière de l’église. Pour le moment, ce sont des enfants qui y sont installés en gradin. Le public est mélangé : des retraités, des familles avec enfants, des amis de Rik Devillé qui s’est glissé parmi les participants… Deux autres prêtres sont présents, sans intervenir. Eux trois assistent d’ailleurs régulièrement aux offices, silencieux au sein de l’assemblée.

Une équipe d’une vingtaine de personnes, dont certains ont suivi des workshops théologiques, prépare les célébrations. Le cierge pascal est allumé et celle du jour débute par l’accueil de laïcs qui se succèdent à l’ambon situé au bout des tables. Après quelques textes autour de la vie de la communauté, un laïc lit un extrait de l’Évangile de Luc. Le public s’est levé et signé. Un crédo actualisé est lu chaque dimanche. Les paroles de la consécration sont dites par le même laïc entouré de ceux qui distribueront la communion sous forme d’hosties. L’atmosphère est respectueuse et priante. Pour le Notre Père, l’assemblée se donne la main. Le baiser de paix est un moment chaleureux et confraternel. Chacun prend son temps pour l’échanger. La quarantaine d’enfants assis dans le chœur sont partis avec deux adultes pour une pastorale adaptée. En fin de célébration, le recteur de l’université d’Anvers prononce un discours à l’adresse de Rik Devillé à qui il remet ensuite les insignes de docteur honoris causa. 

LA CONFRONTATION

Ce qui a fait l’objet d’une grande attention médiatique est la question de l’aspect sacramentel de la consécration sans prêtre. L’assemblée dominicale de la paroisse Don Bosco, qui en est dépourvue, comprend une eucharistie. C’est pourquoi, « après une longue concertation et plusieurs réunions au cours de l’année et demie coulée, le vicariat du Brabant flamand et de Malines (qui fait partie de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles) a constaté, avec l’équipe paroissiale de Don Bosco Buizingen, que des divergences importantes subsistaient, principalement dans la vision de la célébration et de la présidence des sacrements ». Dès lors, Don Bosco ne sera plus une paroisse de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, mais continuera de fonctionner en tant que « communauté de foi indépendante ». Et elle aura « l’espace nécessaire pour poursuivre ses activités, comme d’autres mouvements ou organisations dans l’Église ».

Quel l’avenir pour cette communauté ? Els Paridaens, sa coordinatrice, s’étonne : « Rome nous invite aujourd’hui à repenser l’Église de demain, n’est-ce pas ce que nous faisons ? La situation actuelle a comme conséquence que nous ne recevons plus d’argent de la commune. » La responsable signale cependant que le vicariat envisage un regroupement des églises de Halle, dont fait partie Buizingen, tout en accédant à leur demande d’être une “église-laboratoire”. Le théologien et journaliste Christophe Herinckx développe : « Être une église-laboratoire à l’heure du processus synodal de l’Église n’a rien de révolutionnaire. De nombreuses paroisses et communautés expérimentent depuis des années de nouvelles manières d’être et de faire Église. La question du rôle des ministères ordonnés, évêques, prêtres, diacres au sein de l’Église locale comme universelle, est notamment posée. » En 2012, la paroisse avait remporté le prix de « l’église la plus équitable de Flandre ».

CÉLÉBRER AUTREMENT

Les ADP (Assemblées dominicales en l’absence de prêtres) sont présidées par des laïcs qui ne consacrent pas le pain et le vin, mais distribuent les hosties qui l’ont été préalablement. Il existe aussi les communautés ecclésiales de base lancées dans les années 1950 en Amérique latine et développées à la suite immédiate du Concile Vatican II. Elles sont essentiellement composées de laïcs. Les clercs qui y sont associés n’assument pas un rôle de conduite ni de direction, mais plutôt d’animation et de célébration des sacrements. Elles ont connu un renouveau sous le pontificat de François. Les CEMO (communauté de base en milieu ouvrier) sont aussi dynamiques. L’une d’elles a été très active dans la région de Charleroi, plus précisément à la Chapelle de Jumet-Heigne, sous l’impulsion de l’abbé Michel d’Oultremont. Celui-ci, en réponse au souhait de célébrations participatives et communautaires exprimé par Vatican II, s’est ingénié à faire, de ceux qui lui étaient confiés, des chrétiens aussi responsables que leur pasteur, les invitant à réfléchir « à la manière de vivre avec ou sans prêtre ». Cette communauté, qui a dû déménager, est toujours vivante et célèbre l’eucharistie chaque dimanche en présence ou non de prêtres. Les paroles de la consécration sont dites par toute l’assemblée. 

Ailleurs, la célébration est ouverte à des personnes aux conceptions philosophiques ou religieuses différentes. Ainsi, au Prieuré de Malèves, l’invité choisit lui-même l’Évangile et en assure le prolongement. Citons enfin P.A.V.E.S (Pour un Autre Visage d’Église et de Société), un collectif d’une dizaine de groupes de catholiques progressistes.

Comme l’écrit Raphaël Buyse en conclusion de son essai Autrement l’Évangile : « Le rideau lourd d’une vieille Église est maintenant tombé. Elle a fini son temps : une autre peut naître, faite de petites communautés aimées et soutenues dans leur diversité. Elles pourront offrir de quoi vivre aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui, dans les signes qu’elles poseront en mémoire de Jésus. L’Église sera alors un assemblage cosmopolite et bariolé de petites assemblées qui parieront leur existence sur les paroles et sur la vie de Jésus… J’aime déjà cette Église à venir. Je l’aime profondément dans ce qu’elle pourrait devenir. Je l’aime en chacune de ses petites communautés qui se laisseront toucher, raboter, polir, corriger, simplifier par la Parole ; elles écouteront, soigneront, encourageront… Elles seront Corps du Seigneur : sa trace, sa signature, son sacrement pour le monde d’aujourd’hui. Sa réelle présence. »

Thierry MARCHANDISE

Raphaël BUYSE, Autrement l’Évangile, Paris, Bayard, 2021. Prix : 16€. Via L’appel : – 5% = 15,20€.

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