Karine Arsène, bouddhiste dans la jungle de la télé

Karine Arsène, bouddhiste dans la jungle de la télé

Une émission qui veut “faire du bien” à ses téléspectateurs, ce n’est pas fréquent. Surtout si c’est en recourant aux spiritualités. Une chaîne française tient le pari avec, aux commandes, une bouddhiste qui rêve de distribuer du bonheur.

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Publié le

1 septembre 2023

· Mis à jour le

4 février 2025
Photo portrait de Karine Arsene présentatrice bouddhiste d'une émission avec une blouse blanche devant un fond bleu

Chaque dimanche matin, à l’heure où France Télévisions ouvre son antenne aux cultes religieux, la chaîne C8 (disponible en Belgique sur le câble) propose une émission consacrée à la spiritualité ainsi que à « la science et aux expériences alternatives ». Son animatrice, Karine Arsène, y reçoit des invités connus pour leurs visions du spirituel, comme Frédéric Lenoir ou Hubert Reeves. Mais elle accueille également des personnes beaucoup moins célèbres, évoluant dans ces univers “alternatifs” qui flirtent parfois avec l’inconnu. De quoi s’interroger, si on se focalise sur les propos tenus par certains interlocuteurs. Mais, si on les situe plutôt par rapport au titre de l’émission, le regard peut devenir différent. Ce programme s’appelle en effet Le mag qui fait du bien. Un intitulé qui illustre sa volonté d’apporter aux téléspectateurs quelques pistes vers le bonheur. 

« L’éventail est large, reconnaît Karine Arsène, mais je ne promeus jamais les thérapies dont on parle dans l’émission. Ce qui m’intéresse se situe du côté de l’expérience de mes invités. Par exemple, quand j’ai reçu une personne qui, grâce à ses facultés extrasensorielles, arrivait à voir les blessures chez quelqu’un, j’ai essayé de comprendre pourquoi il était important pour chacun de voir ses blessures, savoir comment les transformer, les nettoyer, etc. Je ne reste pas en surface, je cherche à aller au fond des choses. Si des personnes veulent tester une thérapie, cela leur revient. » « On veut souvent trouver le sens de tout. Je préfère donner du sens à tout », conclut la présentatrice.

DANS LA PHILO BOUDDHISTE

Soucieuse depuis des années de valoriser les côtés positifs de l’existence, Karine Arsène a commencé par produire un programme court, L’info qui vous fait du bien, sur la chaîne d’information CNews (non visible en Belgique), quand cette chaîne n’était pas encore la propriété de la famille Bolloré, et n’avait pas pour mission de propager une idéologie située fort à droite. Sur base de cette chronique germera l’idée d’un magazine hebdomadaire autour des questions spirituelles. Le mag qui vous fait du bien débarque sur la chaîne C8 sous forme de petit format dominical à la rentrée 2019. Encouragé par les confinements, le programme prendra de l’ampleur et deviendra un hebdo de 52 minutes, avec des chroniqueurs et des invités.

Cette femme opiniâtre s’est vraiment battue pour obtenir “son” émission après avoir, depuis 2005, été journaliste puis chroniqueuse sur diverses chaînes de télévision et météorologue pour TV5 Monde. Un acharnement à contribuer au bonheur des gens dont la présentatrice ne cache pas la source : elle se trouve dans ses origines et dans la voie spirituelle qui l’anime depuis sa tendre enfance. Karine a en effet une mère dont les parents provenaient d’Inde et du Vietnam. Très tôt, elle a été élevée dans la découverte de la philosophie bouddhiste qui lui a dessiné son chemin de vie. « Ce qui m’anime est mon éducation spirituelle. On dit que le bouddhisme, au-delà d’une religion, est aussi une philosophie de l’existence. Je le crois. Il permet une meilleure compréhension du fonctionnement de la vie. Le Bouddha n’est pas un dieu, mais un être éveillé. Quelqu’un qui s’est éveillé au fonctionnement de la vie. »

UN GEYSER DORÉ 

Imprégnée de bouddhisme, la journaliste s’est réellement engagée dans sa pratique depuis vingt-sept ans. Elle l’a étudié en profondeur et a passé plusieurs fois des examens dans le cadre du mouvement Soka, créé au XIIIe siècle au Japon par un moine réformateur, Nichiren Daishonin. Sa version moderne s’est répandue dans le reste du monde au siècle dernier, promouvant un bouddhisme laïc, simple, adapté au mode de vie contemporain. « J’ai choisi le bouddhisme parce qu’il n’y a pas d’austérité ni de dogmes. J’aime aussi son processus naturel pour arriver aux choses. » Au sein de cette orientation, Karine s’est trouvé un maître en spiritualité, avec qui elle échange lors des moments difficiles de son existence. Adepte du bouddhisme au quotidien, elle accomplit aussi des retraites intérieures où l’on se retire du monde et prie sept heures par jour pendant quarante jours. On atteint alors des niveaux de “haute concentration” qu’elle considère importants car elle lâche alors le mental, engageant en elle-même un dialogue avec le divin. « Je sens cette impulsion de réveiller ce soleil intérieur qui fait que, même si mes tendances de vie sont toujours là (car je vis les difficultés que tout le monde peut traverser dans l’existence), cet acte me permet de faire jaillir un plein espoir, comme un geyser doré. »

SPIRITUALITÉ DE LA VIE

Le bouddhisme a beaucoup aidé l’animatrice, notamment lorsque sa carrière, qui avait bien commencé, s’est brutalement arrêtée. « Il m’a enseigné comment réveiller la dignité de la vie déjà en moi, pour la protéger à l’extérieur. Quand bien même je tombe, ça sera maintenant sur un parterre de fleurs. Parce que je sais qu’on n’est jamais dans une impasse. » Elle estime qu’il ne faut pas nécessairement être bouddhiste pour partager son expérience. « La spiritualité n’est pas quelque chose d’austère. Elle s’intègre dans la vie quotidienne. Elle n’est pas en dehors, elle se vit à chaque instant. Elle permet de se reconnecter à soi, à l’âme, à l’esprit ou au cœur. Cela n’a rien à voir avec le mental, ce petit vélo qui tourne dans la tête et nous fait ressasser les mêmes choses qui nous déconnectent de notre esprit. Il faut faire silence et redescendre écouter son cœur. Cet endroit, que certains nomment la source, le divin, moi, je l’appelle l’état d’éveil, gorgé de gratitude, de reconnaissance, d’émerveillement, de pureté, et surtout de cette joie suprême qui n’a pas besoin d’accomplir ses désirs pour ressentir le bonheur. » « Dans la vie, on nous apprend qu’on sera heureux lorsqu’on aura l’une ou l’autre chose. Cela, c’est un bonheur relatif, temporaire. Quand je parle du bonheur, j’évoque pour ma part un état durable, un bonheur absolu, qu’on a en soi. Ce n’est plus chercher l’espoir, mais l’incarner en se construisant. » 

Karine n’a pas eu besoin de lire la Bible ou le Coran en entier, car la philosophie qu’elle a découverte lui convient. Mais elle a un grand amour pour Jésus et, suite à une expérience personnelle liée à une endométriose, pour la Vierge Marie. « Bouddha et Jésus ne sont pas loin du tout. Ils portent la même énergie d’amour et, dans ce grand Tout, ils sont tous là. Je crois à une religion universelle. Il est temps qu’on trouve les points d’entente entre les religions plutôt que se diviser. Dans le livre que je viens d’écrire, je ne dis jamais que le bouddhisme est la meilleure des religions. Mais je cherche à créer des liens entre elles. »

Propos recueillis par Frédéric ANTOINE

Karine ARSÈNE, Se forger un cœur de diamant – La quête d’un bonheur inaltérable, Guy Trédaniel, Paris, 2023. Prix : 20€. Via L’appel : – 5% = 19€.

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