Le choix de la miséricorde

Le choix de la miséricorde

Même si la vie de l’Église doit être régie par des règles objectives, la conscience personnelle constitue l’ultime critère de moralité.

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Publié le

1 septembre 2023

· Mis à jour le

4 février 2025
Le chroniqueur Armand Veilleux, à l'extérieur devant des arbres

Lorsque Jorge Bergoglio devint évêque, il choisit une devise épiscopale qu’il a conservée dans son blason pontifical : Miserando atque eligendo, que l’on peut traduire par une périphrase : « Décider sous l’influence de la miséricorde. » Il y avait dans le choix de cette devise la conscience que c’était en lui faisant miséricorde que Dieu l’avait choisi, mais aussi qu’il devait lui-même trouver dans une attitude de miséricorde l’inspiration de toutes ses décisions. C’est dans cet esprit qu’il conçoit tous les discernements que nous avons sans cesse à faire, soit comme individus, comme familles ou communautés, ou encore comme Église.

L’IVRAIE ET LE BON GRAIN

François est revenu sur cette attitude qui lui est chère, d’une façon originale dans son allocution, de sa fenêtre au-dessus de la place Saint-Pierre, le dimanche 23 juillet, un dimanche qu’il avait désigné comme celui des grands-parents et des personnes âgées. L’Évangile de ce jour-là était le récit de l’ivraie semé dans un champ de bon blé. Il en profita pour rappeler que, dans l’histoire de l’humanité comme dans chacune de nos vies, il y a un mélange d’ombre et de lumière, d’amour et d’égoïsme. Le bien et le mal sont même entrelacés au point de sembler inséparables. Selon lui, dans cette parabole de l’ivraie et du bon grain, le Seigneur nous offre une parole douce qui nous invite à accueillir le mystère de la vie avec sérénité et patience, à laisser à Dieu le soin de juger plutôt que de nous instaurer juges et vouloir faire nous-mêmes la division entre les bons et les mauvais. 

Cette attitude de François explique ses nombreux efforts de fraternité universelle, par des actes comme par des écrits. Elle explique aussi l’importance qu’il donne constamment au discernement, y compris au discernement collégial et ecclésial, qui est pour lui l’essence même de la synodalité. Celle-ci implique non une attitude de jugement et de condamnation des erreurs, mais un regard de bonté sur ce que vivent les femmes et les hommes d’aujourd’hui au sein de l’Église, et la découverte de ce que Dieu leur dit à travers ce processus synodal.

INTÉGRER LA FRAGILITÉ

Ce développement actuel de la vie ecclésiale sous la direction de François nous aide à comprendre son enseignement dans l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, faisant suite au synode sur la famille, spécialement dans le chapitre 8 de cette exhortation, intitulé : « Accompagner, discerner et intégrer la faiblesse. » Face aux situations complexes dans lesquelles se trouvent de nombreux couples, il appelait à un discernement enraciné dans la miséricorde, rappelant l’enseignement de Vatican II sur la valeur objective de la conscience subjective. 

Dans d’autres documents, tels que l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium et la lettre encyclique Laudato Sì, le pape voulait que l’Église soit comme un hôpital de campagne, où soient reçus avec compréhension et miséricorde les blessés de la vie, selon le cœur du Christ qui sait conjuguer la compassion maternelle à l’exigence de vérité et de justice. Il est réconfortant de constater qu’une telle attitude du pape, reflétée, entre autres, dans son choix récent de nouveaux cardinaux, constitue une réception de Vatican II. En effet, selon la constitution Gaudium et Spes, la conscience – qui, évidemment, doit être éclairée – constitue l’ultime critère de facto de la moralité. Aussi, l’exhortation Amoris Laetitia (303) affirme qu’il faut que la conscience individuelle soit mieux incorporée dans la pratique de l’Église dans certaines situations qui ne correspondent pas tout à fait aux règles objectives. Ce document affirme qu’un jugement négatif sur une situation objective ne doit pas nécessairement impliquer un jugement sur la culpabilité de la personne concernée.

D’où l’importance d’un discernement des situations qui soit à la fois personnel et ecclésial. C’est là qu’intervient la synodalité, qui implique le respect du mystère de la conscience individuelle par l’institution et la pleine communion de toutes les personnes dans la recherche en même temps de la volonté de Dieu.

Armand VEILLEUX, Moine de l’abbaye de Scourmont (Chimay)

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