Comédienne, danseuse, chanteuse et boulangère, Hélène Mouton a créé un spectacle musical, Fée du pain. Le Jeudi saint dernier, elle était l’invitée du Prieuré de Malèves-Sainte-Marie. Lors de la célébration, elle a pétri un pain sacré et en a livré le secret à travers des gestes et des paroles dont chaque détail a de l’importance.
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Hélène Mouton se définit comme la fille du vent, elle qui a vécu entre un papa enraciné dans ses terres agricoles en Dordogne et une maman qui a la tête dans le ciel de la poésie et des rêves. Après avoir passé son bac et réussi
des études d’hà´tellerie, elle réalise enfin son rêve : voyager. Grâce aux plateformes de wwoofing, qui permettent d’être hébergé chez l’habitant en échange de quelques heures de volontariat, elle part en Amérique latine. C’est durant ce périple qu’elle fait la rencontre déterminante d’Inès, une fermière qui l’initie à la confection du pain.
Ses rêves et inspirations commencent à s’ancrer. Elle pense à un projet de partage d’une expérience sensorielle qui fait appel à la conscience des hommes. Il mélangerait ses différentes passions et convictions : le vivant, la musique, la poésie, les histoires, l’agriculture, l’artisanat, la tradition, l’authenticité. Et, par-dessus tout, la rencontre et le partage avec l’humain.
FAIS DU PAIN ! FÉE DU PAIN
Le pain apparaît l’outil parfait pour véhiculer les valeurs de la jeune femme. Elle aime ces métiers qui demandent de l’observation, du respect et beaucoup d’ancrage. Faire du pain est un geste thérapeutique qui exige de l’équilibre. Et le secret du sien, c’est connaître les hommes et les femmes qui sèment le grain, le récoltent, le broient en farine et le pétrissent. C’est respecter les circuits courts, ne pas traiter les terres et semer des graines qui s’adapteront au terroir et finalement au corps de celui qui les mangera.
Après cette année d’aventure au bout du monde, Hélène Mouton se forme à ce nouveau métier et obtient son CAP Boulangerie en 2015. Elle arrive dans le Loiret l’année sui- vante et, pendant deux ans, elle a l’occasion d’approfondir ses connaissances de la pédagogie de Maria Montessori à l’école de L’arbre enchanté à Fay-aux-Loges. Tout en travaillant aux cà´tés d’Amédée Hiault, paysan meunier boulanger à Lestiou. En parallèle, elle chante, compose et écrit les paroles pour deux groupes de musique. Et écrit les premiers mots d’un spectacle, Fée du pain, au sein de la compagnie Allo maman bobo à Orléans.
LUCIENNE, LE FOUR MOBILE
Aujourd’hui, après une bonne gestation, son projet s’est concrétisé. Fée du pain se promène et débarque dans les festivals, les fêtes de village ou les résidences pour séniors. Le spectacle a évolué, il a été réécrit à plusieurs reprises. La dernière fois, sans doute définitive, en février 2021. « Il dure une heure, sous la forme d’un conte musical où je joue trois personnages à la recherche de l’ingrédient du pain sacré. Je souhaite que le public soit mélangé, intergénérationnel, que les enfants restent près de leurs parents car il est destiné à créer du lien entre tous. Comme on donne vie à un enfant, on donne vie au pain, mais il ne nous appartient pas », commente-t-elle.
Depuis huit ans, Hélène Mouton porte en elle un autre projet. Avec l’association Farming Soul, elle a construit Lucienne, un véhicule devenu une « boulangerie scénique baladeuse ». Ce véhicule aménagé transporte un four sur une remorque. Le 21 mai dernier, elle a ouvert sa première fournée participative dans le Loiret où, en une journée, le public a pu réaliser toutes les opérations de création du pain : le pétrir, le façonner et le mettre au four. Il est au levain naturel, composé avec des farines paysannes, biologiques et locales. Les moments de pause, le temps que la pâte lève, sont occupés par des animations diverses : des cérémonies du thé, du yoga ou de la céramique. L’idée est toujours de revenir à la nature et de faire avec les mains.
DANSER, CHANTER, PÉTRIR
Hélène propose aussi des ateliers Éveils aux sens & à la conscience autour de cet aliment : sa fabrication, une balade sensorielle, un espace d’information et des chansons-recettes pour les tout petits. Ses activités sont mises en oeuvre au sein de la coopérative Artefacts où elle est entrepreneuse salariée associée. Son but est de transmettre, par ce geste ancestral, un acte de création qui fait découvrir les fondements de l’amour, comme elle le développe : « À travers les flammes, l’eau, l’air et la terre, le temps que l’on prend crée, le rythme que l’on impose crée, l’air que l’on souffle crée... et l’amour que l’on donne crée. »
Pétrir, écrire, danser, chanter sont, pour elle, autant de prières qui rendent grâce. Ces gestes permettent de se sentir vivant, de garder l’espérance dans la vie, les humains et les êtres vivants. « Lors de son dernier repas, a-t-elle conclu le Jeudi saint, Jésus a choisi le pain azyme, sans levain, le pain de la hâte, de l’urgence, parce qu’il y a urgence à offrir nos vies à nos réalisations, pour notre éveil et celui de tous les êtres vivants sur terre. » Et lorsqu’elle a dansé et chanté le pétrissage du pain, en ouverture de la consécration présidée par Gabriel Ringlet, elle a revisité les gestes que Jésus a confiés à ses disciples. En mémoire de lui, elle a fait lever le pain de l’amitié, un pain à partager.
PUBLICS SENSIBLES
Hélène Mouton s’est dite très honorée d’avoir été l’une des invitées de la semaine sainte. Ces moments vécus lui donnent de l’énergie pour ses projets, et plus particulière- ment celui de travailler avec des publics dits sensibles. Elle pense aux porteurs de handicap, aux personnes détenues en prison... Un public qui n’a pas souvent l’occasion de réaliser des choses sortant du quotidien. Il existe, constate- t-elle, une satisfaction simple à faire une création avec ses mains. Cela prend du sens quand on travaille avec du vivant, comme de la pâte à pain.
« De cette semaine, se réjouit-elle, il me reste la rencontre avec les trois autres invités du Vendredi et du Samedi saints, mais aussi celle avec toute l’équipe qui assurait les célébrations, Gabriel Ringlet, les Muses, les musiciens, la lectrice, les techniciens de la ferme. Une atmosphère chaleureuse et empathique. J’ai aussi été marquée par l’ouverture de la religion, la mise en scène nouvelle et éclairante de l’Évangile. On donne vie au pain, mais il ne nous appartient pas. Vous imaginez tout ce par quoi il passe avant d’être rompu ? Pétrir invite à une sorte de prière. Le pain, c’est sacré. » â–
Compagnie Allo Maman Bobo
:www.allomamanbobo.org/feacutee-du-pain.html