Au milieu… du milieu
Au milieu… du milieu
Audacieux dans la forme, en simple habit blanc au balcon de Saint-Pierre, habitant une sobre pension, le pape François avait, sur le fond, été considéré tantôt plutôt aux avant-gardes et tantôt plutôt classique, voire conservateur.
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Lors de son apparition au même balcon, son successeur a, lui, revêtu la cape rouge et l’étole brodée d’or que les papes précédant François avaient tous portées. Arrivé levant les bras au ciel, il n’a pas immédiatement rappelé François, mais… Benoît XVI, portant la même tenue et accomplissant le même geste.
Certes, l’habit ne fait pas le pape. Mais le geste ? Et quid de son choix de s’installer dans les appartements pontificaux et non dans la petite résidence de François ?
En dérogeant à la Tradition, François aurait heurté une partie de la catholicité, qui l’aurait trouvé outrancier, sinon gauchiste. En choisissant la Tradition, le nouveau pape aurait voulu envoyer immédiatement des signes visibles à ceux que son prédécesseur aurait hérissés par son non-conformisme.
Ainsi en est-il donc toujours de l’Église catholique : pour peu qu’un pape montre trop ses choix, il encourt immédiatement la vindicte d’une partie de ses ouailles, puis des menaces de désaffection ou de schisme. Celui qui suit un pape récalcitrant n’a donc pas d’autre choix que d’ostensiblement diriger sa barre de gouvernail dans l’autre sens. Car le mot d’ordre est toujours le même : garder l’Église au milieu du village.
Alors que François s’était appliqué à ne point trop en faire afin que l’Église reste au centre, son successeur devait donner des gages prouvant qu’il l’installait au centre du centre. Le mode de désignation pontifical induit par lui-même pareil positionnement puisque, pour être élu, il faut 2/3 des votants. Soit bien plus que pour un président de la République ou une majorité parlementaire.
On objectera que ces signes extérieurs de concession sont bien légers en regard des responsabilités qui pèsent sur les épaules du pape. N’a-t-il pas déjà, a contrario, démontré qu’il pouvait adopter des positions ne plaisant pas à tous, et notamment aux catholiques conservateurs américains ralliés à Trump ?
Assurément. Mais, dans une société de l’image, ce que l’on montre de soi revêt plus d’importance que ce que l’on dit. On aurait aussi pu espérer que, au train de sénateur de François, son successeur préfère une marche plus rapide et décidée. Quitte, par exemple, à bousculer, comme l’avait fait le bon “pape de transition” Jean XXIII en annonçant un concile pour dépoussiérer l’Église du fatras des ans. Il y a peu de chance que Benoît XIV s’engage dans cette voie qui pourrait faire vaciller l’institution. L’ère nouvelle sera plutôt celle de la rassurance, de la réconciliation, de l’unité. Comme le dit sa devise : In illo uno unum. En celui qui est un, soyons un.
Mais est-ce encore l’heure pour tous les catholiques de se réunir, quels que soient les coins du monde, les modes de vie, les cultures, les espérances et les craintes ? Tous, ont-ils vraiment envie de se retrouver sous le seul et même toit de l’Église « une, sainte, catholique et apostolique » ?
Si Léon XIV s’est fixé comme mission de ne pas perdre l’aile populaire et traditionnelle de son Église, comment se comporteront les tenants d’une Église plus audacieuse, progressiste, en dialogue avec le monde, ne revendiquant pas détenir à elle seule toute la vérité ?
Peut-on faire avancer une institution aussi lourde en s’appliquant à la “re-centrer” en permanence ? Il ne faudra peut-être pas attendre des dizaines d’années pour le savoir…
Frédéric ANTOINE, Rédacteur en chef du magazine L’appel