Faire aimer le cinéma belge aux lycéens
Faire aimer le cinéma belge aux lycéens
Pour sa dixième édition, le Prix des lycéens du cinéma belge a sélectionné cinq films parmi lesquels près de sept mille élèves doivent élire leur préféré. Une initiative unanimement appréciée.
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Promouvoir le cinéma belge auprès des élèves des 5e et 6e secondaires est un défi passionnant que relève avec brio Marie-Laurence Deprez, attachée au Service PECA (Parcours d’Éducation Culturelle et Artistique) de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cinq films, sélectionnés parmi la production belge des deux dernières années, sont proposés à tous les professeurs qui font le choix de s’inscrire dans cette dynamique bien huilée et motivante pour leurs élèves. Ils sont mis gratuitement à la disposition des classes, via laplateforme.be ou à partir de DVD. Le ministère offre par ailleurs la possibilité de voir l’un d’eux en salle sur grand écran lors d’une projection scolaire. S’il est clair que la grande majorité des élèves ne vont pas spontanément vers ce type de productions, ils sont très souvent agréablement surpris par l’expérience. Adelle Delangue, qui a participé au concours en 2021-2022, témoigne avec enthousiasme : « En dehors des blockbusters américains, je ne connais pas grand-chose dans le domaine. Mais j’ai adoré découvrir les différents films, les différentes manières de raconter une histoire et de nous présenter des personnages. »
UNANIMEMENT SATISFAITS
Les enquêtes menées auprès des professeurs qui ont participé aux éditions précédentes montrent qu’ils sont unanimement satisfaits. De nombreuses activités sont en outre proposées, souvent ludiques et stimulantes pour les élèves. Cela va de la réécriture d’une partie du scénario à la réalisation d’une scène supplémentaire, de la conception d’une nouvelle affiche à la réinterprétation par des marionnettes, ou bien à la réalisation d’un triptyque ou d’une maquette, etc. La créativité est à l’honneur. On découvre le cinéma belge, on apprivoise ses spécificités, on décode les images et on développe ainsi toute une série de compétences exigées par les nouveaux programmes. Et surtout, on prend énormément de plaisir.
Elane Lohest, élève de 5e lors de la dernière édition, raconte : « J’ai adoré le fait qu’il y ait énormément de différences entre les films, certains étaient tristes ou bouleversants, d’autres, effrayants, et d’autres encore m’ont procuré beaucoup de bonheur. Je pense surtout à Une vie démente[d’Ann Sirot et Raphaël Balboni, le lauréat] qui m’a beaucoup touchée et apporté de la lumière dans mon cœur. » Sérine Catalpinar, lycéenne elle aussi, complète : « Les rencontres avec les réalisateurs étaient toutes très intéressantes et m’ont appris beaucoup de choses sur le tournage d’un film : la préparation des acteurs, le rythme et les techniques de tournage, les effets spéciaux, le symbolisme parfois caché dans les films. » Que les professeurs qui pourraient se montrer frileux par manque de compétences cinématographiques se rassurent. « La formation qui nous est offerte en début d’année, sur les particularités stylistiques de chaque film, sur le travail proprement cinématographique et les aspects techniques, est une aide précieuse », témoigne l’un d’eux.
CONSIDÉRATION ET RESPECT
La Fédération Wallonie-Bruxelles facilite et finance également des rencontres en classe avec les réalisatrices et réalisateurs, ou bien avec les responsables des décors, des maquillages ou des costumes, par exemple. La jeune Adelle raconte : « J’avais peur de me retrouver en face d’artistes torturés dont j’aurais trouvé le discours incompréhensible et hors de ma portée. Finalement, ils étaient accessibles, nous parlaient avec considération et respect. Je pense surtout à Laurent Micheli. Ce dont il nous a parlé m’a beaucoup touchée, et j’ai aimé en apprendre plus sur le processus de réalisation de son film [Lola vers la mer]. » Elane renchérit : « Pouvoir échanger avec les réalisateurs, leur poser des questions et comprendre certaines choses, plus subtiles qui n’avaient pas été comprises lors du visionnage du film, était exceptionnel. » La journée des délégués permet aux différentes classes d’envoyer un représentant pour attribuer un prix à chaque œuvre. C’est l’occasion pour les élèves de se rencontrer, d’échanger, d’argumenter et de mesurer qu’ils font partie d’un grand projet.
La sélection de cette année, qui fait la part belle aux réalisatrices, propose des longs métrages aux thématiques intéressantes et interpellantes. Un monde, de Laura Wandel, aborde les problèmes du harcèlement scolaire et de la violence dans les cours de récréation, filmée à hauteur d’enfant. Temps mort, d’ève Duchemin, suit le parcours de trois détenus en permission pendant quarante-huit heures et montre que l’emprisonnement va bien au-delà des murs. Rien à foutre, d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, présente une jeune hôtesse de l’air traitée comme une esclave par une compagnie low-cost. Dalva, d’Emmanuelle Nicot, met en lumière le thème difficile de l’inceste et de l’emprise, sans jamais devenir glauque. Enfin, Nobody has to know, de Bouli Lanners, permettra aux élèves de s’intéresser plus particulièrement à l’esthétique très soignée de ce film.
DOSSIERS PÉDAGOGIQUES
Créé en 2005, ce Prix des lycéens du cinéma belge en est à sa dixième édition puisqu’il n’est organisé qu’un an sur deux, en alternance avec celui consacré à la littérature. Marie-Laurence Deprez, seule aux commandes depuis 2011, a su le faire grandir. Il touche aujourd’hui plus de deux cents professeurs et quelque sept mille élèves, pour casser l’image caricaturale qui colle trop souvent à la peau du cinéma belge. La sélection est réalisée par une équipe composée de six enseignants qui sont sur le terrain et d’une représentante des Grignoux, l’ASBL liégeoise de promotion et d’exploitation d’œuvres cinématographiques, qui réalise aussi d’excellents dossiers pédagogiques.
Après avoir vu et analysé tous les films, les jeunes jurés sont invités à voter pour leur préféré couronné par le Grand prix. La cérémonie finale est l’occasion d’une grande fête joyeuse durant laquelle chaque réalisateur se voit remettre une récompense spécifique, comme le Prix de l’évolution relationnelle la plus touchante, ou le Prix des silences qui nous parlent…). Sérine confirme bien que l’expérience laisse des traces : « Il m’arrive souvent désormais d’analyser les films ou séries que je regarde. Cette activité a changé ma perception sur le monde du cinéma de manière positive et j’en suis très reconnaissante. » Le Prix des lycéens contribue donc à former à la fois de jeunes citoyens et le public de demain.
Jean BAUWIN
Infos : www.culture-enseignement.cfwb.be