Henri de Lubac, un saint théologien

Henri de Lubac, un saint théologien

Les évêques de France ont voté l’ouverture de la cause de béatification d’Henri de Lubac. Sa théologie jaillit d’une expérience de Dieu en même temps que d’ouverture aux besoins des hommes.

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Publié le

31 décembre 2023

· Mis à jour le

4 février 2025
Le chroniqueur Armand Veilleux, à l'extérieur devant des arbres

Le 31 mars dernier, lors de son Assemblée plénière, la Conférence des Évêques de France vota l’ouverture de la cause de béatification du cardinal Henri de Lubac, décédé en 1991 à l’âge de 95 ans. Cette béatification qui, on l’espère, interviendra au cours des prochaines années, sera la consécration de la vie d’un des grands théologiens de notre époque qui était aussi un homme profondément humble et charitable.

UNE GRANDE BONTÉ

J’ai été témoin de cette grande charité de celui qui était alors le père Henri de Lubac. Un de mes confrères, un étudiant américain de l’Ordre des Cisterciens-Trappistes, qui entreprenait une thèse de doctorat sur Teilhard de Chardin, avait demandé de rencontrer le père de Lubac pour avoir ses conseils. J’eus l’occasion d’accompagner cet étudiant dans l’une de ces rencontres. C’était durant la dernière session du Concile, au moment où de Lubac était impliqué dans diverses commissions travaillant sur la formulation définitive des textes qui seraient bientôt votés par les Pères conciliaires. De Lubac avait donné rendez-vous à ce jeune étudiant à la maison où il venait prendre le repas du midi avec plusieurs évêques à la fin de la session du matin à la basilique Saint-Pierre. Dès que le car arriva à la résidence, le père de Lubac laissa les évêques aller prendre leur déjeuner et vint immédiatement rejoindre le jeune étudiant qui l’attendait et il lui consacra tout le temps nécessaire, lui expliquant en détail comment poursuivre sa recherche sur Teilhard de Chardin. Beaucoup d’étudiants pourraient témoigner de gestes semblables d’attention de la part du futur cardinal.

Après avoir vécu dans les tranchées, avec des camarades non croyants, alors qu’il était jeune jésuite, durant la Première Guerre mondiale, Henri de Lubac fonda, en 1942, avec Jean Daniélou, la collection de patrologie “Sources chrétiennes”. Il faisait en effet partie du petit groupe de théologiens qui redécouvraient l’importance d’enraciner la recherche théologique dans l’étude de l’Écriture sainte et des écrits des Pères de l’Église, tout en restant attentifs aux problèmes contemporains.

HUMILITÉ DANS L’ÉPREUVE

Son premier livre, Catholicisme, publié en 1938, et surtout Surnaturel, paru en 1946, furent dans la ligne de mire de l’encyclique Humani generis de Pie XII condamnant, en 1950, la “théologie nouvelle”. De Lubac fut interdit d’enseignement et mis à l’écart durant dix ans. Au lieu de se révolter contre l’Église, il accepta avec humilité cette condamnation injuste et consacra cette période à développer ses domaines de recherche et composa alors son très bel ouvrage intitulé Méditation sur l’Église, paru en 1953. Il était prêt pour Vatican II.

Jean XXIII, qui sut reconnaître en de Lubac à la fois un grand théologien et un croyant profondément humble, l’appela dès 1960 à faire partie de la Commission théologique préparatoire au concile Vatican II, où il joua un rôle capital dans l’élaboration de plusieurs des grands textes conciliaires. Lorsque Paul VI voulut le faire cardinal en 1969, en reconnaissance de son rôle important non seulement au Concile, mais dans la recherche théologique et la vie de l’Église, il refusa car il lui aurait fallu alors accepter l’épiscopat. En 1983, il accepta d’être créé cardinal par Jean-Paul II, qui le dispensa de l’ordination épiscopale. 

Le Motu Proprio Ad theologam promovendam du pape François, publié le 1er novembre 2023, mettant à jour les statuts de l’Académie pontificale de théologie, donne du rôle du théologien une description qu’on pourrait presque considérer comme une biographie du cardinal de Lubac. François fait appel à « une théologie élaborée à genoux, imprégnée d’adoration et de prière ; une connaissance transcendante et, en même temps, attentive à la voix du peuple ». Ce sont là les qualités qui font que l’œuvre théologique d’Henri de Lubac conserve, après plus d’un demi-siècle, toute son actualité et son attrait.

Armand VEILLEUX, Moine de l’abbaye de Scourmont (Chimay)

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