La nouvelle vie de la clinique Sainte-Anne : un projet d’intégration sociale

La nouvelle vie de la clinique Sainte-Anne : un projet d’intégration sociale

Le 12 décembre dernier, dans le quartier Vaillance d’Anderlecht, à l’ombre du clocher de l’église Saint Guidon, l’ASBL Rafaël a inauguré le Village Sainte Anne, un habitat groupé solidaire et multiculturel.

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Publié le

31 janvier 2024

· Mis à jour le

4 février 2025
Façade avant de la clinique Sainte-Anne, avec des personnes devant

« D’inspiration chrétienne, ce village sera multiconvictionnel et s’adresse à tous, affirme monseigneur Luc Terlinden, archevêque de Malines-Bruxelles, en présence de plusieurs mandataires politiques de la commune d’Anderlecht et de la Région de Bruxelles-Capitale. Le centre Rafaël est enraciné dans la tradition chrétienne, mais son lien avec l’archidiocèse ne suffit pas pour expliquer son caractère chrétien. Car Rafaël ne serait pas Rafaël, le Village Sainte-Anne ne serait pas le Village Sainte-Anne s’il n’était un centre pour tous : chrétiens de différentes confessions, membres d’autres religions, agnostiques et tous ceux qui développent d’autres formes de spiritualités. Ce Village est catholique par ses racines institutionnelles, mais aussi par son ouverture à tous. »

POUR LES PLUS DÉMUNIS

Mais de quoi, au juste, parle le nouvel archevêque ? Un peu d’histoire s’impose. La clinique Sainte-Anne, une maternité lors de sa création dans le courant du XIX° siècle, est un bâtiment de plus de dix mille mètres carrés. En 1994, elle déménage suite à sa fusion avec la clinique Saint Remi et, tout récemment, elle a rejoint, le Chirec (le Centre hospitalier interrégional Édith Cavell). À cette époque, l’abbé Rahoens, curé de la paroisse Saint Guidon, sollicite, de la congrégation religieuse française Les Sœurs hospitalières du Très saint Sauveur, propriétaire des bâtiments, la possibilité d’y développer un projet social à destination d’un public en grande précarité. Les religieuses y souscrivent, tout en exigeant la pérennité de leur chapelle. L’ecclésiastique fonde alors l’ASBL Rafaël pour accueillir plus de trois cents sans-abri et une école d’infirmiers. 
Dans le même temps, afin d’associer l’archevêché à son initiative, il intègre dans son conseil d’administration Mgr Herman Cosijns, adjoint de l’évêque auxiliaire de Bruxelles. Il en devient le président suite au décès inopiné de l’abbé Rahoens en 2011, assurant la continuité de l’action de l’association. Hélas, en 2016, la commune d’Anderlecht informe ses responsables que les bâtiments ne répondent plus aux normes de sécurité et d’urbanisme. 

UN LIEU DES POSSIBLES

Pour sauver cet immeuble, un comité de pilotage, constitué de spécialistes de la rénovation et de l’action sociale, planche pendant cinq ans afin de définir un avenir de cohabitation et de co-living solidaire au sein du quartier, appelé Vaillance. Cette initiative permettrait d’en améliorer la vie quotidienne, portée par l’ambition d’y vivre avec toutes les composantes de la commune d’Anderlecht. Créer un lieu des possibles, en quelque sorte, un endroit de véritable citoyenneté. Mais les moyens financiers manquent à l’ASBL. Au lieu des dix millions d’euros prévus au départ, quinze seront nécessaires à la concrétisation de cette réalisation novatrice. Reprenant la propriété du site, l’archidiocèse en financera les imposantes rénovations.
Parcourir les milliers de mètres carrés avec les responsables de Rafaël permet de prendre la mesure des responsabilités qui leur incombera dans leur gestion. En effet, même si l’initiative de l’abbé Rahoens voulait accueillir des personnes précarisées – ayant lui même séjourné dans ces lieux-, l’ASBL ne dispose pas à elle seule des compétences que peuvent avoir des spécialistes de l’accueil et de l’hébergement du type de public concerné. C’est la raison pour laquelle l’archidiocèse, « dans l’inspiration évangélique réelle et concrète qui l’anime », lui demande d’être la coupole d’une sorte de consortium d’associations compétentes dans les différents objectifs fixés par ce projet. Il est aussi très important dans cette perspective, que le discours temporel de Mgr Terlinden, lors de l’inauguration du village, démontre la mission d’engagement social et solidaire de l’Église.

CINQUANTE-DEUX LOGEMENTS

Le centre d’hébergement a été définitivement fermé et ses bénéficiaires ont été relogés sur le marché locatif privé. La dizaine d’entre eux restée sur le carreau en 2021 a trouvé place dans un nouvel espace au cœur du quartier des Marolles à Bruxelles. Après avoir pris en main ce lieu pendant plus de deux ans, Rafaël en a confié la maîtrise, en octobre dernier, à l’ASBL We Care habituée à s’occuper de ce type de centres pour étrangers. Quant aux ménages qui s’installeront dans les futurs logements anderlechtois, désormais gérés par l’ASBL Habitat et Rénovation, ils proviennent de différentes associations : Les Petits Riens, Convivial, Rafaël et L’Îlot. À l’issue des travaux, l’archidiocèse, tout en restant propriétaire du site, l’a cédé sous emphytéose à Rafaël pour y développer le Village Sainte-Anne récemment inauguré, avant la grande fête d’ouverture prévue dans le courant du mois de juin.
açadePour être en phase complète avec le cœur du projet, le site est physiquement ouvert, avec la création d’une rue intérieure transversale – une sorte de galerie – accessible à tout le monde. Cinquante-deux logements à caractère social, qui vont du studio à des appartements de deux ou trois chambres (et même un de sept !), pourront accueillir plus de deux cents personnes. Des espaces y ont été aménagés pour un restaurant solidaire, un local informatique ou une laverie sociale. S’y développeront également la distribution de colis alimentaires (bio et de circuit court), des activités socioculturelles, une garderie d’enfants, une école de devoir… En attendant d’autres initiatives qui pourraient encore éclor

DE NOMBREUX PROJETS

En outre, deux services d’accompagnement de personnes présentant une déficience mentale seront sur place, de même qu’un centre de formation pour réfugiés primo-arrivants ainsi que des espaces de réunion pour la paroisse et les associations locales. Des salles pourront aussi être louées pour y organiser les activités par tous ceux qui en feraient la demande. À terme, Rafaël souhaite y voir l’émergence d’un centre social-santé intégré avec l’appui du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Toutes les initiatives sont les bienvenues, comme la création d’un kot à projet pour des étudiants précarisés ou pour ceux de la Haute École de Bruxelles (HEB).
Soutenue par de nombreux partenaires (les Équipes populaires, les Guides d’Anderlecht, les paroisses de la ville, le centre culturel flamand…), l’ASBL Rafaël est vraiment déterminée à réussir ce projet de cohabitation. D’autres pourraient s’en inspirer, comme c’est déjà le cas dans la commune de Jette. Place du Miroir, sous la gestion directe de l’archidiocèse, un permis d’urbanisme est en effet en cours pour développer le même type d’expérience. 

Michel LEGROS

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