De jeunes handicapés argentins bien accompagnés

De jeunes handicapés argentins bien accompagnés

Fondé il y a quinze ans par la Belge Jeanne Delgleize, à Santa Lucia, ville d’une région pauvre d’Argentine, le centre Pequeños Pasos vient de fêter ses quinze ans. Il permet à de jeunes handicapés de « développer leurs capacités par des stimulations précoces ou des revalidations ».

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Publié le

1 novembre 2023

· Mis à jour le

4 février 2025
Un enfant est couché sur un lit avec des personnes autour de lui qui le tiennent

Adolescent atteint de paralysie cérébrale, Alexi était sous la seule responsabilité de sa mère. Une détérioration de son état de santé due à des raisons biologiques et économiques a fait qu’il n’a pas eu accès aux soins de santé privés que ne peut offrir la Santé publique argentine. Dès lors, sa maman se dit « très reconnaissante envers le centre, parce que là, on m’écoute et on me guide ». À onze ans, Milagros est atteinte de paralysie cérébrale. Elle ne marche pas, ne parle pas et ne contrôle pas ses sphincters. Son père a disparu à l’annonce du diagnostic de sa maladie et elle a commencé les thérapies il y a quelques mois. Sa maman, qui vit dans un logement en bois, n’a qu’une pension pour invalidité et une aide que fournit sa propre mère dans la mesure de ses pauvres moyens financiers. Comme elles habitent à vingt kilomètres de la ville, elles y amènent Milagros en moto, avec un bel engagement commun mis en avant par l’assistante sociale.

« Quinze ans d’apprentissages mis en pratique, d’efforts et de défis surmontés, ainsi que de rêves réalisés. »

Vianca, quatre ans, souffre d’un trouble généralisé du développement. Elle fait partie d’une famille élargie arrivée de Bolivie il y a six ans, à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Les membres de la famille habitent à quarante kilomètres de Santa Lucia, dans une cabane en bois, sur un sol en terre battue et sans meubles suffisants. L’enfant vient au centre en bus ou avec l’aide d’un voisin, voire celle du père quand il ne travaille pas. Après un séjour dans un hôpital public situé à 250 kilomètres d’où vit la famille, le centre a obtenu l’incorporation de la fillette à l’école maternelle et aussi le certificat unique d’invalidité accordé par l’État qui rétablit les droits et qui lui avait été refusé auparavant.. Mais le certificat unique d’invalidité accordé par l’État qui rétablit les droits a été refusé pour diverses raisons. Reste à surmonter les problèmes de distanciations culturelles entre la Bolivie et l’Argentine.

DE MARIEMBOURG À SANTA LUCIA

Ces enfants atteints de handicaps divers sont accueillis par Pequeños Pasos, en français Petits Pas, un centre de jour basé à Santa Lucia, dans la province de Corrientes, au nord-est de l’Argentine. « Et cela depuis quinze ans, ou depuis seulement quelques mois, comme nous avons eu la joie de le fêter en août dernier », indique Jeanne Delgleize, sa fondatrice et directrice.Originaire de Mariembourg et ancienne patronnée, cette femme énergique a commencé comme assistante sociale à la Maison heureuse d’Alleur, près de Liège, qui prend en charge de jeunes mères célibataires placées par le juge.

Devenue membre de la congrégation des Filles de Marie de Pesche, en 1975, elle arrive en bateau en Argentine, près de Buenos Aires. Après le coup d’État perpétré l’année suivante, elle ouvre avec Nelly Évrard, à l’époque sa consœur, et deux jeunes Argentines, une mission dans la région pauvre de Santa Lucia. En 1987, elle opte pour la vie de vierge consacrée dans son diocèse. Dix ans plus tard, elle est nommée directrice de la Caritas diocésaine et fréquente les paroisses des campagnes. C’est là qu’elle rencontre des familles avec des enfants souffrant d’un handicap. Ainsi va naître Pequeños Pasos.

UN TRAVAIL COLLECTIF

Les accompagnements réalisés dans le centre sont le fruit de tout un travail collectif, explique Jeanne Delgleize. « Après avoir pris contact avec la fondation hollandaise Lilian Fonds orientée vers les enfants handicapés à travers le monde, nous avons commencé à nous occuper, en 2001, d’enfants et de jeunes ayant un handicap. Nous les recevions à l’époque à mon domicile, sans avoir de structure juridique et en orientant les familles concernées vers les médecins ou services spécialisés qu’on ne trouvait pas à Santa Lucia. En août 2008, sur un terrain que j’avais acheté et donné, nous avons créé la fondation et le centre de revalidation et de soins. La rapide augmentation des demandes nous a conduits à agrandir le bâtiment, ainsi que l’équipe thérapeutique, en obtenant les diverses autorisations et reconnaissances officielles. »

Âgés de quelques mois à vingt-cinq ans, les cent cinq patients actuels présentent des problèmes neurologiques, moteurs, sensitifs, organiques, cognitifs et de retard de maturation. Les causes les plus fréquentes sont la paralysie cérébrale, la prématurité, les malformations congénitales ou les maladies traumatiques, comme la méningite. Les malades sont suivis par une équipe multidisciplinaire formée de kinésithérapeutes, logopèdes, psychopédagogues, ergothérapeutes ou stimulatrices précoces. Pour tous ces professionnels, des journées de formation ont repris après avoir été interrompues lors de la pandémie du covid. Pour encore pouvoir se développer, le centre voudrait acheter un terrain adjacent aux bâtiments actuels. Mais la forte inflation que subit aujourd’hui le pays rend cette opération incertaine.

LIEU D’ORIENTATION ET DE SOUTIEN

Selon Jeanne Delgleize, « les familles accompagnées souffrent évidemment de la situation politique, économique et sociale de l’Argentine qui est désastreuse et même décourageante en cette année d’élections ». De son côté, Belen, l’assistante sociale du centre, relève, exemples à l’appui, que « Pequeños Pasos n’est pas seulement un centre de réhabilitation. C’est aussi un lieu d’orientation et de soutien pour les familles et pour les jeunes patients ».

Le 12 août, il a célébré ses quinze ans d’activités dans la joie et l’émotion, avec de la musique, des danses et des jeux, et des tables couvertes de victuailles diverses. « Cette fête, se réjouit la directrice, a aidé notre équipe à réaliser la grande unité qui a été entretenue toutes ces années avec les enfants, leurs familles, les membres de la fondation et bien sûr ma regrettée consœur et cofondatrice argentine Chiqui, décédée en 2020. Et aussi avec la municipalité, les habitants de Santa Lucia et de la région, ainsi que les bénévoles et sympathisants locaux et belges. Cette fête a permis de rappeler quinze ans d’apprentissages mis en pratique, d’efforts et de défis surmontés, ainsi que de rêves réalisés. Avec les piles ainsi bien rechargées, nous continuons nos petits pas qui sont parfois énormes. ». Et pleins d’humanité.

Jacques BRIARD

Prochain goûter sucré-salé en soutien au centre Petits Pas, le 11 novembre à partir de 15 h dans la salle Lizée, rue Grande 62, à 5100 Andoy-Wierde (Namur). Informations et inscriptions : 0494.27.43.69 – francineseron@gmail.com. Site web en espagnol : xn--fundacionpequeospasos-pbc.com

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