Église locale et synodalité
Église locale et synodalité
En consacrant l’un de ses voyages apostoliques à la petite Église de Mongolie, le pape François nous offrait un message important.
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Le pape François s’est rendu récemment en Mongolie, avec tout son entourage habituel de dignitaires et environ cent cinquante journalistes, pour visiter une toute petite Église locale totalisant 1 400 catholiques, dans un pays de 3,3 millions d’habitants. Toutes les réflexions qu’il fit sur cette visite, durant et après son voyage, montrent qu’il voit dans cette petite communauté de fidèles, à la périphérie du monde, au cœur d’une population bouddhiste, une fidèle image des premières communautés chrétiennes à l’époque des apôtres. C’est une Église fondée sur une tradition de charité active et de présence vécue de l’Évangile, plutôt que sur quelque forme que ce soit de prosélytisme. Elle n’a qu’un évêque, Giorgio Marengo, qui est à la tête d’une préfecture apostolique plutôt que d’un diocèse, et qui a été fait cardinal l’an dernier – le plus jeune des cardinaux de l’Église.
RÊVE D’UNE ÉGLISE SYNODALE
Cette attitude de François est tout à fait cohérente avec son rêve d’une Église synodale et nous aide à comprendre sa notion de synodalité. Comme on sait, les documents de Vatican II ignorent le mot “synodalité”. Il y est surtout question de collégialité, c’est-à-dire de la responsabilité collégiale de tous les pasteurs sur l’ensemble de l’Église. C’est le pape François qui remit en honneur la notion de synodalité si importante durant les premiers siècles de l’Église, et cela dès son premier grand document : Evangelii Gaudium. Cette notion de synodalité met l’accent sur l’ensemble des fidèles de chaque Église locale et sur la communion entre les Églises elles-mêmes avant même la communion entre leurs pasteurs.
L’objectif du synode actuellement en cours sur la synodalité, et qui se fera en plusieurs phases, est non seulement de développer des formes de solidarité, mais surtout de permettre à une “Église synodale” de s’épanouir toujours plus. Comme l’expliquait François, s’adressant à la Conférence épiscopale italienne, en 2017 : « Cheminer ensemble est la voie constitutive de l’Église ; la qualité qui nous permet d’interpréter la réalité avec les yeux et le cœur de Dieu ; la condition pour suivre le Seigneur Jésus et être serviteurs de la vie en ces temps blessés. »
Cette notion de synodalité développée dans la réflexion ecclésiale postérieure à Vatican II, mais dans l’esprit de la Constitution conciliaire sur l’Église, ne pouvait que trouver un écho profond chez François, enraciné théologiquement dans la “théologie du peuple”, branche argentine de la théologie de la libération qui fleurit en Amérique latine après Vatican II.
Dans cette vision ecclésiale, étant donné que l’Église universelle est constituée par la communion entre les Églises particulières, sous le ministère du successeur de Pierre, c’est l’Église locale qui est au centre. Cela justifie que le pape, responsable de l’Église universelle, se déplace vers la périphérie pour aller rencontrer chez elle, avec un grand nombre de collaborateurs et de journalistes, une toute petite Église locale d’à peine plus d’un millier de fidèles. C’est qu’en chaque cellule ecclésiale, si petite soit-elle, se trouve réalisé et manifesté le mystère intégral de l’Église, celui de la communion entre Dieu et son peuple.
UN MODÈLE D’INCULTURATION
À la notion de peuple est très liée celle de culture, d’où l’importance de l’inculturation dans le processus d’évangélisation. Aussi, François, expliquant la qualité évangélique de la petite Église de Mongolie, a souligné l’excellent travail des missionnaires venus d’ailleurs, qui se sont faits Mongols avec les Mongols, apprenant leur langue, assumant leurs coutumes et transformant leur culture de l’intérieur en y vivant simplement l’Évangile avec le peuple.
Armand VEILLEUX
Moine de l’abbaye de Scourmont (Chimay)