L’ambassadeur ou le témoin silencieux ?
L’ambassadeur ou le témoin silencieux ?
Dans notre monde contemporain où la globalisation, les conventions, l’interconnectivité, l’immédiateté donnent le sentiment que tout est à notre portée, les horizons inconnus s’ouvrent comme des promesses dans l’ignorance.
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Face à ces promesses, le voyage devient le témoin de notre époque, d’une trace à laisser, d’une raison d’agir. Il empêche que l’on ne devienne l’esclave de l’habitude. Çà et là, l’étranger voyageur, porteur de rêves, mais aussi de stigmates, se lance à la recherche de nouveaux possibles où une question duelle lui est posée à l’envi : doit-il être l’ambassadeur quotidien de ses convictions, en terre inconnue, ou un témoin silencieux du mouvement ? Les mots de Martha Medeiros en témoignent : « Il meurt lentement celui qui ne change pas de cap lorsqu’il est malheureux au travail ou en amour, celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves, celui qui, pas une seule fois dans sa vie, n’a fui les conseils sensés. Vis maintenant ! Risque-toi aujourd’hui ! Agis tout de suite ! Ne te laisse pas mourir lentement ! Ne te prive pas d’être heureux ! »
VERS UNE HARMONIE ?
Derrière l’émerveillement — des délices de l’été -, si nous inversons le paradigme du voyage, du risque de l’action, nous nous souvenons des fragilités portées par l’actualité, même lorsque nous sommes à des kilomètres de celle-ci. Le voyageur sensible ressent le poids de chaque empreinte laissée dans les endroits ignorés et il se fait le témoin silencieux des changements — politiques, écologiques, technologiques, humains — qui s’opèrent sous ses yeux. La migration des saisons, de la nature, de la vie, devient une toile fabriquée avec les fils de l’inquiétude. Sur les chemins tracés par ce désir d’avenir, la Laïcité s’offre une gageure : tisser une trace d’humanité, un espoir en toutes heures, par le biais de la solidarité et de la compréhension de la complexité. Son objet est de toucher à l’universalisme, à l’émancipation des citoyens, dans le respect de la diversité et du vivre ensemble ; cela, par l’action, par l’accueil et en faisant mouvement.
Loin des frontières, des préjugés enfermés, le voyage et la Laïcité s’entrelacent en richesses multiples où l’espoir est d’offrir de nouvelles perspectives à chacun en vue de se découvrir — quand on sait ce que l’on fuit, mais pas ce que l’on cherche. Au contact de l’autre, le voyageur peut tracer une troisième voie et devenir, en toute égalité, un ambassadeur involontaire de l’harmonie entre les différences. Celui-ci transmettant des sourires, partageant des histoires et tissant des liens à l’écoute de langues, parfois, inconnues. La beauté, tantôt saisissante, tantôt subtile, devient le fil conducteur qui relie les cultures et où, une nouvelle fois, la philosophie nous apprend à observer les différences, l’inconnu et, dans le même temps, à se construire et à découvrir ce que l’on ne sait pas encore de soi. Comme l’exprimait déjà Montaigne au XVIe siècle : « Le voyage est donc une double rencontre, celle d’autres que moi et celle de moi-même, comme un autre aux yeux des autres. »
UNE AVENTURE INTÉRIEURE
Comment s’explorer en 2023 ? Comment se dépasser et s’affranchir de ses limites au moment où l’exploration de cet inconnu éveille en nous un sentiment profond de dépaysement. Cette aventure intérieure, construite sur la base des échos contemporains, nous pousse à transcender nos carcans habituels et à embrasser les horizons nouveaux. Le dépaysement, c’est ce moment précis où l’on décide de quitter le confort de nos routines pour s’aventurer dans l’ailleurs — que ce soit physiquement, culturellement ou intellectuellement. Cette aventure intérieure peut nous amener à remettre en question nos propres convictions, elle peut se placer sous la forme d’un défi, d’une lecture, d’une rencontre, d’un exploit, d’un acte, mais, dans tous les cas, elle nous contraint à agir.
In fine, le dépaysement, l’inconnu restent des aventures contemporaines courageuses qui permettent de placer notre progrès individuel et pluriel au-delà de l’entre-soi et des diktats ; le défi de demain sera d’assurer l’aspect coercitif de ce devenir collectif au sein d’un espace de liberté. Et Jean-Jacques Rousseau de conclure : « Le monde de la réalité a ses limites ; le monde de l’imagination est sans frontières. »
Anthony SPIEGELER, Président de Laïcité Brabant Wallon