L’architecture des années folles

L’architecture des années folles

Bruxelles propose en 2025 de mettre le focus sur l’Art déco, à travers visites, expositions, conférences et animations diverses. Un programme riche et varié.

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Publié le

26 février 2025

· Mis à jour le

26 février 2025
Un mur avec des motifs de feuille et un tableau accroché

L’Art déco fête ses cent ans. C’est en effet lors de l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et Industriels de Paris en 1925 qu’apparaît ce style. Successeur de l’Art nouveau, il s’élabore en réaction à une ornementation jugée trop abondante et à des courbes d’inspiration végétale omniprésentes. Il réintroduit la ligne droite et la symétrie dans les façades et les décors, tout en gardant le goût des verrières, des matériaux nobles et des bois exotiques. Il conçoit, lui aussi, l’architecture comme un art total, qui se préoccupe du mobilier et de la décoration et remet à l’honneur les différents savoir-faire artisanaux. Un des premiers bâtiments de ce style, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, est réalisé par Victor Horta, qui s’était imposé en champion de l’Art nouveau.

LA VILLA EMPAIN

Un de ses joyaux, dans la capitale, est la Villa Empain, aujourd’hui siège de la Fondation Boghossian. Située avenue Franklin Roosevelt, un quartier d’ambassades, elle a été construite en 1930 pour le baron Louis Empain, mais celui-ci l’a assez peu occupée. Elle a ensuite été léguée à l’état belge pour devenir un musée des arts décoratifs puis, durant la Seconde Guerre mondiale, elle a été réquisitionnée par l’armée allemande. Par la suite, les propriétaires se sont succédé. Elle se trouvait dans un état de délabrement préoccupant quand la Fondation Boghossian l’a acquise en 2006 pour la restaurer. Réouverte en 2010, elle a aujourd’hui retrouvé tout son éclat, avec ses marbres, ses vitraux, ses bois précieux, ses larges espaces ouverts à la lumière naturelle et son jardin agrémenté d’une magnifique piscine, entourée d’une pergola au sol couvert de mosaïques. La Fondation, Centre d’art et de dialogue entre les cultures d’Orient et d’Occident, y organise des expositions temporaires ainsi que des résidences d’artistes.

L’endroit mérite à lui seul le détour. De part et d’autre de la porte d’entrée se trouvent les bureaux du baron et de son secrétaire. On pénètre ensuite dans un grand hall central au sol et aux murs recouverts de marbre. Les boiseries et les portes sont en loupe de noyer et de palissandre. Ce hall est éclairé par un puits de lumière, avec une verrière contemporaine qui remplace celle d’origine, détruite. À l’arrière du bâtiment, un vaste salon d’honneur donne sur la terrasse et la piscine. À l’étage, jouxtant les chambres à coucher, une des salles de bains a retrouvé son aspect originel, avec des mosaïques bleues et vertes au sol et sur les murs.  

Le sous-sol était autrefois affecté aux cuisines et à l’office. À l’occasion de ce centenaire, la Fondation y propose, jusque fin mai, l’exposition Echoes of Art déco. Les espaces qui y sont dédiés font tantôt penser à un intérieur bourgeois, tantôt au repaire d’un collectionneur. Dans une ambiance musicale des années folles, on peut admirer des pièces de mobilier, des tableaux de maîtres contemporains de la construction de la villa, une collection de vases, des vêtements, un ensemble d’appareils de radio empilés le long d’un mur, des objets décoratifs et des vitraux qui restituent une tonalité colorée et lumineuse. Une agréable et intéressante expérience immersive dans la vie quotidienne bourgeoise d’il y a un siècle, où l’on perçoit la recherche d’un art et d’une joie de vivre par une population qui veut oublier les horreurs de la guerre.

UN RICHE PROGRAMME

Urban, l’administration de valorisation du patrimoine de la Région de Bruxelles, et Visit-Brussels, l’agence de promotion touristique et culturelle, en collaboration avec de nombreux partenaires, offrent, jusqu’à la fin 2025, un très riche programme de visites, itinéraires de promenades, conférences et expositions pour découvrir ce patrimoine caractéristique. Auquel, de leur côté, des manifestations récurrentes portent une attention particulière. Le BANAD, Bruxelles Art nouveau Art déco Festival, organisé chaque année pendant trois week-ends de mars par un réseau d’associations de visites guidées, met ce style davantage en lumière cette année. Il propose des découvertes d’intérieurs généralement fermés au public, des parcours ciblés à suivre à pied ou à vélo, des conférences originales, etc. Les 20 et 21 septembre, les Journées du Patrimoine, ou Heritage Days, prendront pour thématique particulière “Art déco, années folles, années krach”, dont le programme est déjà disponible en ligne.

Outre ces deux organisations annuelles qui se mettent au parfum de l’Art déco, un certain nombre de monuments habituellement accessibles sont aussi mis à l’honneur. Parmi les constructions emblématiques, il faut relever le Musée et les Jardins Van Buuren à Uccle. David et Alice Van Buuren, mécènes et collectionneurs, ont fait construire leur villa dans le style Art déco, entourée d’un jardin remodelé dans les années soixante. Le couple a meublé l’habitation dans le style de l’époque et y a accumulé de nombreuses œuvres d’art, datant du XVe au XXe siècle. Après leur décès, la fondation qu’ils avaient constituée a permis d’en faire un musée accessible au public. Par rapport à la Villa Empain, celle-ci présente l’avantage d’être toujours dans l’état, mobilier et œuvres d’art compris.

Quelques autres bâtiments caractéristiques : le Flagey, ancienne maison de la radio ; Bozar ou Palais des Beaux-Arts ; le Wiels ou anciennes brasseries Wielemans, actuellement centre d’art contemporain ; la basilique de Koekelberg ; l’Hôtel de Ville de Forest, etc. 

LES CINÉMAS

Un type particulier d’architecture s’est fortement développé à cette époque : les cinémas. Le passage au parlant à la fin des années vingt nécessite des aménagements techniques et l’invention du néon appelle une nouvelle conception des façades et de leur attrait publicitaire. L’Art déco permet de faire de ces lieux les nouveaux temples colorés du septième art. De nombreuses grandes salles voient le jour dans le centre de Bruxelles, tout comme des cinémas de quartier. Les évolutions techniques font qu’il n’en reste que peu d’exemples. Parmi eux, plusieurs ont été conservés et restaurés : le Marivaux, l’Eldorado et le Movy Club de Forest. L’Eldorado, aujourd’hui UGC de Brouckère, a préservé, derrière sa façade vitrée, une salle Art déco présentant une décoration s’inspirant du Congo comme Eldorado belge, en harmonie avec la propagande coloniale de l’époque. Quant au Movy Club, un des derniers cinémas de quartier de la capitale, il a été acquis par la Région et est actuellement en restauration. Jusqu’en mai, les Halles Saint-Géry invitent à se replonger dans l’univers magique du cinéma de l’entre-deux-guerres par le biais d’une exposition qui évoque les salles de ce temps, connues ou moins connues. 

José Gérard

villaempain.com 

visit.brussels 

 urban.brussels

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