Le silence des victimes – Mathieu Poupart

Le silence des victimes – Mathieu Poupart

Licencié en philosophie et en théologie, Matthieu Poupart est le cofondateur du collectif Agir pour notre Église, groupe de fidèles qui lutte contre les violences sexuelles au sein de l’Église. Et il est impliqué dans la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase).

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Publié le

31 janvier 2025

· Mis à jour le

23 février 2025
3 personnes marchant dans l'allée d'une église

Dans son livre, Le silence de l’agneau, Matthieu Poupart pose la question de savoir si la morale catholique favorise la violence sexuelle. Une victime d’un viol par un aumônier laïc, se confiant à une amie catholique engagée, a été choquée par sa réponse. Elle lui a en effet expliqué que les femmes avaient certaines responsabilités car les hommes avaient des pulsions qu’ils ne pouvaient pas maîtriser. Et, pour son amie, plus que le viol, avoir commis l’adultère était le plus grave. Lucetta Scaraffia, historienne féministe et catholique, montre dans son dernier ouvrage, Au-delà du sixième commandement (éditions Salvator), que l’enseignement de l’Église, en s’appuyant sur le commandement Tu ne commettras pas l’adultère, n’accorde pratiquement pas de place au plaisir sexuel. La sexualité n’est licite que si l’union donne lieu à la venue d’un enfant. Viol et autres abus sexuels sont considérés comme le fait d’un pécheur. La question du consentement n’est quasiment pas abordée. La victime peut alors être éventuellement complice, ce qui peut expliquer la difficulté pour l’Église, encore aujourd’hui, de la regarder en priorité.

DIMENSION SYSTÉMIQUE 

Matthieu Poupart continue sa réflexion en soulignant qu’il est compliqué, pour l’Église, d’aborder la question systémique des violences sexuelles. « Pour les violences faites aux femmes par des hommes, on met face à face des garçons faibles et des filles séductrices. La tenue vestimentaire d’une fille montrant son nombril fait qu’on la qualifie de fille “chaude”. Le garçon, lui, est faible. Ces exemples sont repris dans des conférences de l’abbé Grosjean qui a lancé le Padre blog. C’est la séduction féminine primordiale qui précède la promiscuité et qui en est la cause. Le drame de cette conception c’est que la responsabilité féminine y est réduite à la respectabilité d’un objet et n’est pas celle d’un sujet : la jeune fille est responsabilisée non du fait du regard qu’elle pose sur le jeune homme, mais en raison du regard dont elle est l’objet. Dans une de ses conférences, l’abbé Grosjean dit : “La prudence, c’est quoi ? C’est justement cette délicatesse de l’amour qui veut faciliter à l’autre cette chasteté. On ne dit pas stop au pied du lit, on dit stop au pied de l’immeuble. Ce n’est pas dans le feu de l’action que l’on peut dire stop, ou alors c’est que vous n’êtes pas fait comme tout le monde. C’est avant qu’on dit les règles qu’on va prendre comme règles du jeu”. »

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