Coralie Ladavid : une tournaisienne à Bethléem
Coralie Ladavid : une tournaisienne à Bethléem
Coralie Ladavid, première échevine de la ville de Tournai, a passé huit jours en Palestine dans le cadre du jumelage de sa ville avec Bethléem. Une manière de découvrir de l’intérieur les réalités de la région.
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L’an passé, Tournai a fêté le dixième anniversaire de son jumelage avec Bethléem. Récemment, une délégation de la cité hennuyère conduite par Coralie Ladavid, qui a la solidarité internationale dans ses compétences, a séjourné huit jours dans la région. Elle a ainsi pu se rendre compte des réalités locales et construire avec la ville palestinienne une nouvelle coopération. La première échevine a souhaité que ce jumelage ne soit pas seulement “sur papier”, permettant d’obtenir des subsides de Wallonie Bruxelles International afin de financer des projets internationaux, mais qu’il encourage les Tournaisiens à en devenir partie prenante. C’est ainsi que la ville aux cinq clochers a programmé plusieurs évènements, notamment au moment du plan Trump qui visait à renforcer les colonies israéliennes, pour sensibiliser le grand public à la question palestinienne.
CULTURE PALESTINIENNE
L’an dernier, lors de la venue d’un représentant de Bethléem, une journée ouverte au grand public a permis d’expliquer comment aider les Palestiniens dans leur combat, ainsi que de prévoir des projets concrets. L’un d’entre eux, en cours actuellement, vise à soutenir la personne handicapée au niveau professionnel. Un deuxième, plus culturel, construit grâce à des fonds suédois, est en préparation. En centre-ville, un bâtiment appelé Peace Center, aujourd’hui sous-exploité, va être redynamisé pour devenir un lieu de création et de diffusion de la culture palestinienne. Il s’agit que les touristes, qui arrivent généralement en passant par Israël, sachent bien qu’ils se trouvent en territoire palestinien, ce que l’organisateur du voyage néglige en général de préciser. Ils pourront ainsi découvrir les réalités locales. L’UNESCO vient en outre de soutenir, dans ses sous-sols, un musée retraçant l’histoire de la Palestine.
Aller sur place, plutôt qu’avoir des contacts par internet, permet de prendre conscience autrement de la réalité du terrain, et notamment du caractère insidieux de l’occupation israélienne. Il y a trente ans, lors d’un premier voyage en Israël, Coralie Ladavid s’était déjà rendu compte de l’humiliation quotidienne endurée par les Palestiniens. Cette humiliation que l’armée leur fait subir, les contrôles permanents, elle les a constatés encore plus concrètement en vivant pendant une semaine quasiment dans les mêmes conditions qu’eux. Ils ne sont plus chez eux, même au sein des derniers petits territoires qui leur appartiennent, dans la mesure où l’armée israélienne y fait de fréquentes incursions de nuit et où ils font face à d’incessantes arrestations. Par exemple, pour séjourner à Jérusalem, qui est leur capitale, les Palestiniens ont besoin d’une carte spéciale. S’ils continuent à garder espoir malgré tout, eux qui ont le sentiment d’être oubliés du monde, c’est grâce à ce type de visites, ont-ils confié à l’élue tournaisienne. Or, pour celle-ci, c’est le minimum à faire aujourd’hui, et cela donne sens au jumelage. Ce séjour permet en outre de mieux réfléchir aux projets, en fonction des critères règlementaires belges, puisque c’est la Belgique qui donne l’argent, tout en étant en adéquation avec les besoins locaux.
LA CULTURE EN PÉRIL
Israël dévalorise la culture palestinienne, non seulement en ne la reconnaissant pas, mais aussi en se réappropriant des éléments de celle-ci présentée comme de la culture juive. Aux yeux des Palestiniens, il s’agit d’une vraie dépossession. Les réalités des villes exclusivement palestiniennes sont par ailleurs trompeuses. Ainsi, un mur encercle Bethléem. À Hébron, les militaires ont installé des checkpoints juste à côté de la mosquée et, à Jérusalem, l’armée est présente dans la vieille ville, et même sur l’esplanade des Mosquées. Jusque dans leurs lieux saints, qui leur sont théoriquement interdits, des Juifs extrémistes viennent en groupe. À chaque fois, les limites sont repoussées.
Coralie Ladavid a logé pendant une partie du séjour dans un Guest house en périphérie de la ville, un hébergement intégré au centre culturel al Rowad qui propose des animations pour les enfants. Le bâtiment est situé dans un camp “réfugiés 48” créé par L’ONU en 1948 pour les Palestiniens qui fuyaient leurs maisons et leur territoire. Ce camp et ses semblables sont pauvres, d’un confort rudimentaire, et leurs habitants sont toujours ceux de 1948 et leurs descendants. Ils ne peuvent pas en sortir car, de génération en génération, ils n’ont pas d’autre statut que celui de réfugié. Un certain nombre d’entre eux ont des petits boulots en Israël et doivent dès lors quotidiennement passer la frontière dans les deux sens. Les responsables d’al Rowad tentent malgré tout de donner de l’espoir, de faire en sorte que le camp soit un lieu où il reste de la vie, avec des petits commerces, des snacks. Dans ce contexte difficile et des conditions de vie pénibles, la population est chaleureuse et accueillante.
ADMIRATIVE
Que retient Coralie Ladavid de son court séjour ? Elle reste très impressionnée et admirative pour le peuple palestinien. Si les gens qu’elle a rencontrés souffrent et sont humiliés au quotidien, ils parviennent pourtant à ne pas s’ancrer dans la vengeance. Ils veulent, par la culture, l’intelligence et la confiance en l’humanité, faire changer les choses là où ils sont et avec les moyens qu’ils ont à leur disposition. Ils sont d’une richesse incroyable et sont dans une résilience porteuse d’espoir.
UNE TOURNAISIENNE DE CŒUR
Née à Tournai en 1974, Coralie Ladavid y a travaillé comme assistante sociale dans une maison médicale. Avant de se lancer en 2012 en politique. Élue conseillère communale sur la liste Ecolo, elle est devenue première échevine en 2018 avec les compétences du logement, de la participation citoyenne, de l’égalité des chances et de la solidarité internationale. Elle est extrêmement attachée à sa ville, à la fois par sa qualité de vie, sa richesse patrimoniale et architecturale, spécialement le XVIIe siècle, et son côté très arboré. Mais ce qui compte avant tout, pour elle, ce sont ses habitants avec lesquels elle entretient des liens solides, tant amicaux que professionnels. Elle constate que la ville commence à s’ouvrir aux réalités plus alternatives, moins conservatrices, même si les habitudes changent lentement et difficilement et si la jeunesse a parfois du mal à se retrouver. C’est aussi une cité qui a toujours connu de très nombreux mouvements associatifs, culturels ou de jeunesse. Et, par ce biais, elle est convaincue qu’il est possible de prendre conscience qu’un tournant écologique et social est à amorcer.
Thierry MARCHANDISE