À pas de porcelaine
À pas de porcelaine
Si je dois revisiter un passage d’Évangile, il m’arrive souvent de me demander : « Qu’en dit Hyacinthe Vulliez ? » Comme on va le voir, il suit l’Esprit à la trace.
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Voilà des décennies que je me replonge régulièrement dans le commentaire original des Écritures que ne cesse de m’offrir cet écrivain et journaliste si chaleureux, en connivence avec son comparse de toujours, Gérard Bessière. Comme ils m’ont marqué, ces deux-là ! Et comme ils s’y entendent à faire rimer Évangile et actualité.
Du coup, quand l’ami Hyacinthe (quel beau prénom fleuri : Jacinthe !) me propose sa Petite histoire du Saint-Esprit, vous devinez avec quelle attention je m’empresse de rejoindre son texte. En partant, je l’avoue, d’un dangereux a priori : « Je parie que la jeunesse de son interprétation va encore me surprendre ! » D’autant plus qu’il a écrit ce livre à 95 ans ! Et je ne me suis pas trompé. Quel plaisir et quelle joie de lui voir tisser ce beau vêtement coloré où il croise harmonieusement des fils de couleur biblique, poétique et d’actualité. Et quelle chance de naviguer avec lui de la Genèse aux Épitres de saint Paul, en découvrant les chemins parfois inattendus d’un Esprit qu’il nous raconte avec vivacité. Mais le pays biblique est aussi, bien entendu, un pays poétique. Et là, l’Esprit saint présenté comme “Poète du Père” a trouvé un porte-parole convaincant !
EN PLEINE ACTUALITÉ
Cet Esprit-Poète dont il suit le voyage, non seulement dans la Bible, mais également dans la Tradition de l’Église, Hyacinthe Vulliez le rejoint surtout en pleine actualité. Toute l’actualité. Et c’est là un des beaux apports de son livre. L’actualité ecclésiale, certainement. On lira par exemple, avec intérêt, les pages qu’il consacre au spiritisme, au pentecôtisme, au charismatisme, mais aussi à la vitalité de petites communautés et groupes informels qui sont, peut-être, plus que jamais l’avenir de l’Église.
Une actualité que l’auteur n’enferme pas dans le nombrilisme d’interrogations trop internes à l’institution. L’Esprit n’est pas qu’affaire d’Église et de religion. Il concerne le monde. Y compris le monde non croyant. Est-ce pour cela qu’à la différence de tant de regards pessimistes, Hyacinthe Vulliez propose une analyse bien plus nuancée de la mondialisation, en y voyant de nouvelles possibilités de rencontres et de solidarités. Comme Amin Maalouf, il fait preuve de sympathie critique face à la chance de métissage et d’échanges planétaires.
LE “BIEN NOMMÉ”
L’Esprit que l’ancien journaliste de La Vie célèbre si chaleureusement, faut-il s’étonner qu’à ses yeux il souffle aujourd’hui… jusqu’au Vatican ! L’occasion de nous proposer quelques belles pages sur le pape François, un « dévot de l’Esprit saint », dont il admire le courage et la volonté de rendre dignité aux plus méprisés.
Hyacinthe Vulliez pose encore une question qu’il place, dit-il, au cœur de son propos : « Peut-on donner un nom à l’Esprit ? », lui qui est évoqué 375 fois dans le seul Nouveau Testament. La prière-poème qui clôture l’ouvrage encourage à nommer le déjà “bien nommé”, comme s’y autorise d’ailleurs un autre poète, Gilles Baudry, moine bénédictin à l’abbaye de Landévennec. Parlant de Dieu, mais on peut dire l’Esprit, frère Gilles pense qu’il vient délicatement nous « effleurer l’épaule » et qu’on ne peut l’approcher qu’« à pas de porcelaine ». Comment savoir si c’est bien lui ? Réponse du moine-poète :
De l’âme d’un violon oseriez-vous relever les empreintes digitales ?
Dans ce livre où Hyacinthe suit l’Esprit à la trace, il a bien soin de ne pas en relever les empreintes digitales.
Gabriel RINGLET

Hyacinthe VULLIEZ, Petite histoire du Saint-Esprit, Paris, Salvator, 2015.