Guerres et religions : we shall overcome
Guerres et religions : we shall overcome
L’être humain est-il pacifique ou violent? La recherche dit : les deux. La capacité de coopération est la plus grande force de l’espèce humaine. On peut donc coopérer pour, mais aussi coopérer contre.
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Que sont les religions ? Elles sont sans doute des spiritualités et des incubateurs culturels, qui nous permettent de grandir dans notre humanité. Elles sont parfois également des organisations, dans lesquelles existent des enjeux de pouvoir. Starhawk et d’autres distinguent différents types de pouvoir. Le pouvoir est positif comme pouvoir “ensemble”, pouvoir “avec” ou pouvoir “au service de”, comme “pouvoir partagé”. Il est délétère en tant que pouvoir “contre” ou “sur”, en tant que “pouvoir concentré”.
UN POUVOIR PARTAGÉ
Le “pouvoir concentré”, qu’il soit religieux ou non, est source d’oppression sur les personnes exclues du pouvoir ; il est source de guerre. Il peut s’inventer toutes les justifications à sa domination, créer des raisons scientifiques, éthiques, mythologiques, historiques ou religieuses et les diffuser. Le judaïsme fait-il l’objet d’un pouvoir partagé ou d’un pouvoir concentré ? Le judaïsme que j’aime défend un pouvoir partagé. Je l’ai appris dans ma famille, aux Éclaireurs et Éclaireuses Israélites de France, dans les communautés progressistes de ma Bat Mitsva à Copernic jusqu’au séminaire rabbinique où j’ai fait mes études à Jérusalem, et aujourd’hui dans ma synagogue JEM-Est. J’ai pu vérifier sa totale légitimité dans les sources juives.
Je connais la vision “pouvoir concentré”. Celle qui dit que les juifs aschkenazes sont morts pendant la Shoa parce qu’ils n’étaient pas assez orthodoxes. Qui prétend que l’âme des juifs est supérieure. Qui affirme que les femmes s’épanouissent spirituellement dans les tâches ménagères. Celle qui, aujourd’hui, menace la démocratie israélienne. S’il vous plait, ne donnez pas de pouvoir à ces idées, ne croyez pas un rabbin à la longueur de la barbe, ne cherchez pas les clics et les followers en diffusant ces idées. Vous participeriez à la destruction du judaïsme.
LE JUDAÏSME N’EST PAS GUERRIER
Certains juifs et juives, confrontés à de tels propos, quittent irrémédiablement le judaïsme. Avant de franchir moi-même ce pas, j’ai voulu étudier les sources, directement, profondément, et c’est pour cela que j’ai étudié et que je suis devenue rabbin. C’est pour cela que je peux affirmer sans l’ombre d’un doute : le judaïsme n’est pas guerrier.
Je suis fidèle à la transmission familiale que j’ai reçue, plus que jamais. Nous nous préparons à fêter la Pâque, la fête de la liberté, je dédie ce texte à mon père. Ce PessaH sera notre premier pessaH sans lui. Et PessaH était son nom. Laurent, Pascal, François. François parce que ma famille a grandi dans les valeurs humanistes. Pascal parce que cet humanisme est au cœur du judaïsme, dont la fête de Pâque est le centre. Le judaïsme n’est pas guerrier, mais il peut le devenir. Si les personnes juives pacifistes quittent le judaïsme, cette merveilleuse sagesse tombera aux mains de ceux qui en feront un outil guerrier. N’ostracisez pas les juifs pacifistes, aidez-nous à rester connectés.
La cause est-elle désespérée ? Les chapitres des principes nous disent : « Ce n’est pas à toi de parachever le travail, mais tu es responsable d’y mettre toutes tes forces. ». L’avenir ne m’appartient pas, mais j’y contribue. Si vous croyez dans le pouvoir avec, le pouvoir ensemble, le pouvoir partagé, soutenez-moi et je vous soutiendrai, le judaïsme sera une source de liberté pour ses participant.es et pour ses allié.es.
We shall overcome. Le pouvoir de la joie et du respect doit triompher, au moins en nous-mêmes, et mieux encore dans nos cercles familiaux et amicaux, et peut être aussi dans nos lieux de rassemblement spirituels, et pourquoi pas dans nos sociétés nationales, voire au-delà des frontières. Aujourd’hui, demain, avant que la crise climatique nous submerge.
We shall overcome.