Perdre ou changer le monde.
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Plus de 23% des Français ont voteÌ aux EuropeÌ ennes pour le Rassemblement National. Ils eÌ taient 25% en 2014. 12% des Belges (et preÌ€s de 20% des Flamands) ont apporteÌ leur suffrage au Vlaams Belang. Ils n’eÌ taient pas 4% il y a cinq ans...La « vague brune » qui a toucheÌ une partie de l’Europe a de quoi faire craindre le pire. D’autant que, ensemble, les reÌ sultats de l’extreÌ‚me droite et du parti « de droite-extreÌ‚me » NVA atteignent presque 45% des suffrages. Soit preÌ€s d’un Belge du nord sur deux favorable aÌ€ des theÌ€ses nationalistes, xeÌ nophobes, souvent racistes, totalement anti-eÌ cologistes. Et confeÌ deÌ ralistes.
Dans Vlaanderen Onvoltlooid, le livre qu’il a publieÌ en 2017, le chef de la NVA deÌ veloppait cette option confeÌ deÌ raliste, qui ferait de l’EÌ tat de Belgique une coquille aÌ€ peu preÌ€s vide. Pour y aboutir, il reÌ veÌ lait sa strateÌ gie : mener une politique feÌ deÌ rale telle que les francophones finiraient eux-meÌ‚mes par demander une reÌ forme de l’EÌ tat allant dans ce sens. Il n’y a pas trop mal reÌ ussi. Avait-il aussi imagineÌ qu’il pourrait compter, dans cette aventure, sur l’appui de masse de ceux qui sont encore plus radicaux que lui ? Les reÌ sultats des eÌ lections, divergents selon les reÌ gions, rendent en tout cas la Belgique plus ingouvernable encore. Les propheÌ ties de Bart De Wever passeront donc peut-eÌ‚tre bientoÌ‚t du reÌ‚ve aÌ€ la reÌ aliteÌ ...
Au-delaÌ€ de strateÌ gies partisanes et de supputations sur l’avenir d’un pays qui n’en a peut-eÌ‚tre pas, on ne peut que s’interroger sur la nature de l’eÌ‚tre au monde que cachent ces choix eÌ lectoraux radicaux, ici ou ailleurs en Europe. OuÌ€ que ce soit, le nationalisme preÌ tend toujours apporter une solution miracle aÌ€ des peurs, reÌ elles, fantasmeÌ es ou subtilement inventeÌ es. Face aÌ€ ce qui menacerait l’existence actuelle ou future des individus, de leurs familles et de leurs proches, le repli sur soi, l’identique, le connu est proÌ‚neÌ comme un remeÌ€de plus simple, et surtout plus reÌ confortant, que l’ouverture, la deÌ couverte de l’autre, le deÌ part vers la nouveauteÌ , le non-connu.
Mais quel avenir procure-t-il, sinon une promesse de monde ouÌ€ rien ne changerait, ouÌ€ tout serait toujours pareil au meÌ‚me ? Par rapport aux autres eÌ‚tres vivants de la creÌ ation, l’homme receÌ€le ceci de particulier qu’il n’a jamais cesseÌ d’agir sur son environnement. Pour le modifier, le modeler, le transformer. Alors que toutes les autres espeÌ€ces se contentent de s’y adapter, sans y toucher.
Cette capaciteÌ de changer le monde est le propre de l’homme. Elle s’appelle le progreÌ€s. Depuis la nuit des temps, en meÌ tamorphosant l’univers, l’humain a lui-meÌ‚me progresseÌ , appris, deÌ couvert. Il a grandi. Il s’est preÌ occupeÌ des plus faibles, a remis en cause les lois naturelles de l’eÌ limination, du reÌ€gne du plus fort, de l’exploitation de l’homme par l’homme. Il s’est aussi rendu compte qu’il avait parfois eÌ teÌ trop loin dans son « assujettissement » de la planeÌ€te, comme le de deÌ signe la Bible. Il a alors perçu qu’il devait remettre en cause sa manieÌ€re de vivre afin d’eÌ‚tre davantage en harmonie avec la Terre.
Le protectionnisme se situe aÌ€ l’opposeÌ de la mission aÌ€ l’humaniteÌ . Il n’offre aÌ€ long terme aucune promesse d’eÌ‚tre au monde, mais juste une impression passageÌ€re de confort et de seÌ curiteÌ . Tout repli sur soi est une reÌ gression.
AÌ€ l’heure ouÌ€ cette menace se fait plus insistante, notre roÌ‚le est d’y reÌ sister. Le temps des vacances peut nous mettre en route sur ce chemin d’ouverture.
Frédéric ANTOINE
Rédacteur en chef