C’est en 1893 qu’est inauguré l’Hôtel Tassel, conçu par Victor Horta et considéré comme le premier bâtiment Art Nouveau bruxellois. Cela fait donc cent trente ans qu’est né ce style, raison pour laquelle la Région de Bruxelles-Capitale a décidé d’organiser Art Nouveau Brussels 2023. Il s’agit d’une stratégie, déjà à l’œuvre depuis de nombreuses années, visant à associer la ville à ce courant artistique dans sa promotion à destination des touristes potentiels. C’est ainsi que Pascal Smet, alors secrétaire d’État chargé de l’urbanisme et du patrimoine, déclarait lors du lancement de l’opération : « Bruxelles est la capitale de l’Art Nouveau, nous allons l’affirmer et le démontrer tout au long des mois à venir, mais aussi sur le long terme. »

Un art total

L’Art Nouveau s’est développé dans de nombreuses capitales européennes, avec des particularités propres et sous des appellations parfois différentes, de Budapest à Barcelone, de Paris à Vienne. Cependant, Bruxelles peut s’enorgueillir d’un nombre particulièrement important de réalisations toujours existantes. Si le style qui les relie toutes se caractérise bien sûr par le recours à des courbes inspirées du végétal, le programme est loin de se limiter à cet aspect décoratif. La volonté des architectes est de mettre en œuvre un art total, l’ensemble du bâtiment étant conçu en harmonie, de l’enveloppe extérieure à la décoration intérieure et du mobilier à la ferronnerie, aux boiseries et même jusqu’aux clenches et autres éléments d’huisserie. 

Derrière cette conception globalisante se cache une autre préoccupation qui habite les créateurs de l’époque. Face au pouvoir de plus en plus considérable de l’industrialisation, entraînant une certaine uniformisation, ils ont à cœur de remettre à l’honneur l’artisanat et l’utilisation de matériaux “nobles”. Dessiner jusqu’aux balustres d’un escalier pour un client particulier est à l’opposé de la production en série. C’est dire la beauté de nombre de ces créations, mais aussi leur coût, qui les réservait à une bourgeoisie fortunée.

“STYLE NOUILLE”

Si l’Art Nouveau connaît aujourd’hui une grande vogue, il faut se rappeler que cela n’a pas toujours été le cas. De nombreux bâtiments de ce type ont ainsi été détruits à une époque où l’on méprisait ces réalisations que l’on qualifiait de “style nouille”. L’exemple le plus célèbre est la Maison du Peuple construite par Horta pour le Parti ouvrier belge en contre-bas de la place du Sablon et inaugurée en 1899. Elle a été détruite en 1965 pour ériger à sa place une tour de vingt-six étages de bureaux. Certains éléments ont été démontés et entreposés en vue d’une reconstruction éventuelle… qui n’a jamais eu lieu. Certaines ferronneries ont même été revendues à un ferrailleur par un escroc.

La programmation invite à découvrir des éléments patrimoniaux majeurs, tout en proposant également des expositions, des événements festifs, des visites guidées, conférences et publications. De nombreux bâtiments sont accessibles ponctuellement, tandis qu’une dizaine d’entre eux sont ouverts toute l’année. Parmi ceux-ci : le Musée Horta, qui comprend le domicile et l’atelier de l’architecte, l’Hôtel Solvay, l’Hôtel Van Eetvelde, la Maison Autrique, la Maison Cauchie, le Musée de la Bande Dessinée, le Musée des Instruments de Musique et le Pavillon des Passions Humaines. 

LA MAISON HANNON

La Maison Hannon, de son côté, conçue par l’architecte Jules Brunfaut, vient d’être rénovée et est rendue accessible au public depuis le printemps 2023. Elle rappelle que l’Art Nouveau en Belgique ne se limite pas à Victor Horta. Si l’Histoire a fait de celui-ci son plus célèbre représentant, ce n’était pas le cas à l’époque. Paul Hankar l’était bien davantage. Et à côté d’eux, on peut citer également Gustave Serrurier-Bovy, Henry Van de Velde et Georges Hobé. On trouvait une pluralité de créateurs et une grande diversité d’approches. 

Située à l’angle des avenues Brugmann et de la Jonction, à Saint-Gilles, la Maison Hannon vaut le détour. Non seulement parce que la possibilité de la visiter est très récente, mais aussi car elle présente un bon exemple de ce type d’architecture, avec des fresques décorant les murs intérieurs, des vitraux, des boiseries, etc. En outre, elle présente en ce moment une exposition temporaire rassemblant des pièces de mobilier ou des objets de la vie quotidienne conçus par des artistes de l’époque, dont Van de Velde, Serrurier-Bovy et Hankar, cités plus haut.

EXPOSITIONS DIVERSES

Parmi les expositions organisées dans le cadre de cet événement, figurent Victor Horta and the Grammar of Art Nouveau à Bozar, Victor Horta versus Art Nouveau. Horta’s vocabulary au Musée Horta ou Josef Hoffmann. Beyond Beauty and Modernity au Musée Art et Histoire. Celle-ci évoque le travail de l’architecte viennois dont la carrière a été influencée par sa visite en 1955 du Palais Stoclet.

On notera que l’Hôtel Van Eetvelde propose un centre d’interprétation de l’Art Nouveau sous l’impulsion de la Région de Bruxelles-Capitale. Le LAB·An, ou laboratoire Art nouveau, est un espace de promotion de cet art qui offre un regard contemporain sur cet héritage belge et bruxellois et sur les thématiques qu’il englobe. À ceci s’ajoute une réflexion autour de la conservation du patrimoine Art nouveau à travers la renaissance de l’hôtel Aubecq, ainsi qu’une introduction sur les liens entre ce courant artistique et la colonisation belge.

La pluralité des visites et expositions proposées rend évidemment impossible de tout voir en un jour. Il faut choisir ses priorités ou arpenter plusieurs fois dans la capitale belge. Impossible également de les citer tous. Pour connaître l’ensemble du programme et les conditions d’accès de chaque lieu ou événement, il faut se rendre sur le site visit.brussels. Signalons aussi que le Pass Art Nouveau est adapté en 2023 à la programmation et intègre des réductions pour des expositions temporaires et des visites guidées consacrées à ce mouvement artistique.

José GÉRARD

visit.brussels