Une Église sans frontières
Une Église sans frontières
Dans le synode sur la synodalité, le pape François appelle le peuple chrétien fidèle à une manière renouvelée d’être Église.
Publié le
· Mis à jour le

Cette page-ci, rédigée le jour où s’ouvre à Rome la première session du synode sur la synodalité (4-29 octobre), sera publiée au moment où s’achèvera cette session. Il est évidemment difficile de prévoir comment évoluera ce synode d’un caractère nouveau (où bien des observateurs voient l’équivalent d’un Vatican III) et impossible d’en prévoir les conclusions et décisions. Cependant, dès aujourd’hui, on peut constater toutes les frontières transcendées par la préparation et l’organisation de cette assemblée.
PARTICIPATION ÉLARGIE
Cette attitude de François est tout à fait cohérente. Parmi les changements importants introduits dans le format du synode, on peut noter la présence, pour la première fois, de laïcs, y compris des femmes, comme membres à part entière de l’Assemblée avec plein droit de vote. Une autre frontière avait été rompue par le document de travail, connu sous le nom d’instrumentum laboris, publié le 20 juin dernier. Il présentait aux membres du synode une série de questions ouvertes, alors que, pour les synodes précédents, ce document de travail se présentait comme une première version de ce que serait le document final.
Les théologiens qui ont analysé les documents des grandes réunions ecclésiales d’Amérique latine depuis Medellín (1968) montrent comment le pape François est en train d’introduire graduellement, au niveau de l’Église universelle, une forme de collégialité vécue en Amérique latine depuis les débuts du CELAM (Conseil épiscopal latino-américain) en 1955 et explicitement appelée “collégialité en situation” à la conférence de Medellín. Il ne s’agit plus d’une collégialité concernant simplement les relations entre le pape et les évêques du monde entier dans le gouvernement de l’Église. Il s’agit d’un type de collégialité dans laquelle le ministère des évêques s’enracine dans la communauté géographique spécifique qu’ils servent. C’est-à-dire dans leur Église locale et non seulement dans le fait de leur ordination épiscopale. Avec l’introduction au niveau de l’Église universelle de cette approche qui s’est manifestée en Amérique latine depuis un demi-siècle, on assiste actuellement au passage d’une “collégialité épiscopale” à une “collégialité synodale”, où un évêque parle au nom de son Église locale et non seulement à titre personnel.
Deux autres notions chères au pape François, et qu’il a héritées aussi de son expérience latino-américaine, sont celles de “disciples missionnaires” et de “conversion pastorale”. Selon la section du document de la réunion d’Aparecida (2007) sur la voie synodale, en devenant disciple missionnaire à travers la conversion pastorale, on fait naître « une attitude d’ouverture, de dialogue et de disponibilité qui ouvre à la coresponsabilité et à une participation effective de tous les fidèles dans la vie des communautés chrétiennes ». Cela implique la participation des laïcs dans le discernement et la prise de décisions, ainsi que dans la planification et la mise à exécution de ces décisions. Ces idées se retrouvaient déjà dans Evangelii Gaudium, document où, dès 2013, le pape François présentait les idées centrales de son pontificat.
UNE ASSEMBLÉE SPIRITUELLE
Le pape François a souligné qu’il s’agissait d’une assemblée spirituelle et non d’une réunion politique. Tous les participants au synode actuel étaient invités à quelques jours de retraite début octobre, avant l’ouverture des travaux. Le père Timothée Radcliffe, ancien maître général des Dominicains, désigné comme “assistant spirituel” du synode, y présenta, sur le thème général d’une Église sans frontières, quatre méditations sur l’espoir, le foyer, l’amitié et la conversation. Dans ce dernier point, s’inspirant de la conversation en chemin (synode) des disciples d’Emmaüs, Radcliffe appelait à une conversation menant à la conversion. Le but d’un synode n’est-il pas la conversion de l’Église – conversion pastorale impliquant celle de tout le Peuple de Dieu ? C’est à une telle conversion qu’appelle de nouveau le pape François dans sa nouvelle Lettre encyclique Laudate Deum publiée en ce 4 octobre 2023, fête de François d’Assise, faisant suite à Laudato sí de 2015.
Armand VEILLEUX, Moine de l’abbaye de Scourmont (Chimay)