Pascale Monteiro : « J’ai l’impression d’être proche des citoyens »

Pascale Monteiro : « J’ai l’impression d’être proche des citoyens »

Si Pascale Monteiro porte un nom qui a un parfum d’exotisme, c’est parce qu’elle est le fruit d’un mariage mixte : son père est d’origine capverdienne et sa mère est liégeoise. Elle habite aujourd’hui Bruxelles où elle est juge de la famille.

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Publié le

31 mars 2024

· Mis à jour le

4 février 2025
Pascale Monteiro souriant devant un mur de briques bleu gris
2T1M052 Monteiro Pascale est presidente de l’association syndicale des magistrats | Monteiro Pascale is the president of the association of the magistrate uni

Pascale Monteiro a étudié à Liège, puis à Kinshasa, avant de suivre des études de droit à Louvain-La-Neuve. Après un bref passage dans le secteur bancaire, où elle s’ennuyait, elle s’est inscrite au barreau et a exercé le métier d’avocat pendant quinze ans. Lorsqu’elle a atteint le cap de la quarantaine, elle a passé, et réussi, l’examen d’aptitude à la magistrature. Depuis dix ans, elle est juge de la famille à Bruxelles. À la question de savoir si l’augmentation du nombre de femmes dans le monde judiciaire est une bonne chose, elle répond que cela lui est bien égal que le juge soit un homme ou une femme. « Ce n’est pas ce qui me tracasse. Le plus important est ce que fait cette personne, ses compétences, indépendamment de son genre. Quand les femmes et les hommes se seront affranchis de leurs rivalités ancestrales, peut-être serons-nous tous plus sereins. »

UNE JUSTICE QUI APAISE 

La juridiction de la famille gère les conflits civils : les demandes relatives à la séparation et au divorce, les problèmes concernant les enfants, les contributions alimentaires et les successions… Ce qui importe à Pascale Monteiro, c’est son immédiateté, la possibilité d’apporter un cadre à des personnes un peu perdues. « Il y a certes beaucoup d’émotionnel, ce qui peut être dur, reconnait-elle. Mais, en même temps, j’ai le sentiment, au-delà de la technique juridique, d’être proche des citoyens. Cela fait sens pour moi et cela me nourrit dans ma vision de la justice et de la proximité qu’elle doit avoir, autant que faire se peut. C’est essentiel et j’apprécie de plus en plus le contact direct avec les citoyens, notamment dans la nouvelle chambre des règlements à l’amiable créée depuis le 1er septembre 2014 dans le cadre du tribunal de la famille. J’y siège une journée complète par quinzaine et j’ai le sentiment d’apporter quelque chose à la société et parfois d’aider ou d’empêcher certains dérapages. » 

Cette chambre permet de consacrer un long temps aux personnes de manière confidentielle pour tenter de les concilier. Elles sortent de l’audience avec l’impression d’avoir été écoutées et entendues, d’avoir été confrontées à une justice plus accessible. Un accord vaut toujours mieux qu’un procès ! Et la juge découvre dans ces audiences « que les personnes sont capables de beaucoup de créativité ».

UN RÔLE SOCIÉTAL

En septembre dernier, Pascale Monteiro a été élue présidente de l’Association syndicale des magistrats (ASM) dont elle partage les valeurs depuis toujours. « Je n’ai pas beaucoup hésité car je pense que cette association a un rôle sociétal fondamental à jouer, qu’elle joue d’ailleurs depuis sa création en 1979. Et sa participation est sans cesse croissante, les difficultés étant de plus en plus complexes. Être présidente est une fonction exigeante car je ne représente pas mes idées, mais celles de l’association, ce qui est enrichissant. » L’ASM, dont les administrateurs sont bénévoles (au contraire d’autres pays où des magistrats peuvent être détachés pour remplir ces missions) est présente dans les débats autour de la justice. Davantage écoutée, elle est dès lors de plus en plus sollicitée. 

« Nous essayons de nous répartir les tâches. Un de mes objectifs dans ma présidence est d’ailleurs que l’ASM représente les visages multiples de la magistrature et s’incarne dans sa diversité, prévient-elle. Nous sommes souvent sollicités ces derniers temps par la presse et amenés à donner notre avis sur des évènements d’actualité. Nous développons aussi de beaux projets propres au monde judiciaire, tels que la question de la démocratie interne au sein de la magistrature. »

Si le déficit en moyens humains et matériels dans la justice a été dénoncé à de nombreuses reprises, Pascale Monteiro est surtout inquiète face à l’absence de volonté politique de vouloir poser un vrai regard sociétal sur cette question. La justice reste hélas un parent pauvre. Le récent rapport du Collège des Cours et Tribunaux indique que la moyenne d’heures de travail des magistrats dépasse les cinquante heures par semaine. La magistrate observe en effet que les dossiers sont de plus en plus complexes et que la charge de travail ne cesse d’augmenter. Celle-ci diffère en fonction des affectations : métiers judiciaires d’urgence, comme les juges d’instruction, les juges des référés ou de la famille, magistrats civils qui traitent de dossiers chronophages, etc. Selon elle, il faut mener des combats pour éveiller la conscience collective à l’importance de la justice : « Ma crainte est la perte d’indépendance, qui passe par des structures coûteuses dont je ne vois pas toujours la plus-value pour l’organisation judiciaire et l’amélioration de la justice. » 

LA PRISON EN QUESTION

L’ASM a été sollicitée à propos de la situation des prisons, notamment celle de Huy pour laquelle un arrêté de fermeture a été pris. Sa position est claire et constante concernant la surpopulation carcérale et la nécessité de trouver des peines alternatives à la prison. Une perspective d’espoir existe néanmoins avec l’entrée en vigueur, dans deux ans, du nouveau Code pénal qui stipule que la prison n’est plus la première sanction, mais une alternative. Depuis la mise à exécution des courtes peines, on constate en effet une inflation pénitentiaire. La nouvelle prison de Haren, par exemple, est quasi en occupation complète, à tel point qu’il est envisagé de renvoyer des détenus vers la vieille prison de Saint-Gilles ! 

« Il y a un réel problème de vision dans la politique carcérale en Belgique, se désole Pascale Monteiro. Les prisons sont occupées à plus de 12% de leur capacité maximale. C’est d’autant plus problématique que l’ASM dénonce la situation pénitentiaire depuis cinquante ans et que rien n’évolue sur le plan politique. Le prochain gouvernement devra s’atteler à ces questions, de même qu’à celle de l’explosion des stupéfiants, un vrai problème de société présent jusque dans les prisons. » 

L’ASM vient récemment de consacrer un important colloque, qui a fait l’objet d’une publication, à la “défédéralisation” de la Justice. Pascale Monteiro pense que ce sujet fera partie de la négociation pour le prochain gouvernement. Cette communautarisation ou régionalisation de ce secteur est sérieusement envisagée, bien qu’elle repose sur nombre d’idées fausses ou reçues. On distingue, sous-jacente, la question des finances publiques et sa répartition entre les régions, alors que la répartition actuelle des moyens n’est déjà pas correcte entre le Nord et le Sud par rapport aux recettes fiscales.

Les actes du colloque qui aborde les enjeux véritables de la défédéralisation ont été publiés chez Anthémis.

Thierry MARCHANDISE

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