De la musique aux bougies
De la musique aux bougies
Aux quatre coins du globe, les Candlelight concerts font un tabac, surtout parmi les jeunes générations. Pourtant, écouter de la musique à la lueur des bougies est vieux comme le monde. Mais cela avait disparu…
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16h30. Un camion se colle contre le quai de débarquement d’une salle de concert namuroise. Huit “staffeurs” en débarquent des dizaines de palettes de boîtes où sont rangées des milliers de bougies. Direction la scène, où les petites mains de ces étudiants jobistes auront deux heures pour répartir les cinq mille bougies de cinq tailles différentes partout sur le plateau. En commençant par les étaler sur le devant de la scène, là où elles seront le plus proches des spectateurs. Et en veillant à en varier la taille afin que l’ensemble dessine des vagues ou des dégradés. Les “placeurs” se rendront ensuite autour du piano à queue, qui attend lui aussi sagement d’être décoré, puis, au fond de scène, où ils orneront de bougies des étagères. Enfin ils descendront dans la salle, dont ils baliseront les côtés.
SIX CENTS VILLES
« Notre but est que le concert soit intimiste, explique Thomas Louis, responsable des Candlelight concerts en Belgique. Nous avons pour chaque lieu des coordinateurs qui s’occupent de l’organisation. Ici, nous leur avons dit que nous aimerions que le piano soit au milieu, entouré de toutes les bougies. Puis, c’est eux qui pensent la scénographie. » Thomas vient d’être nommé senior manager de Candlelight début 2024. Mais, auparavant déjà, il organisait ces concerts en Belgique, au Luxembourg et dans le nord de France. En 2019, il a terminé un master en management d’événements à l’IHECS. Quelques mois plus tard, il était engagé pour implanter le concept des concerts aux bougies en Belgique et environs. L’aventure a débuté avec le covid. Et n’a donc pleinement démarré que fin 2021…
Malgré leurs résonances anglo-saxonnes, les Candlelight concerts n’ont pas été inventés aux USA et exportés en Europe. « C’est un concept qui vient de Madrid, où le premier événement s’est déroulé en juillet 2019. Puis, cela s’est très vite étendu, explique Thomas Louis. La société Fever, qui organise les concerts, s’est alors développée dans le monde entier. Aujourd’hui, nos actionnaires sont New-Yorkais. Mais la société mère est toujours établie à Madrid. » En 2024, des concerts aux bougies auront lieu dans pas moins de six cents villes de par le monde.
PRESQUE COMME DES VRAIES
Difficile de savoir pourquoi de jeunes Madrilènes se sont un beau jour dit qu’il serait chouette d’organiser un concert à la lumière des bougies. Mais ils ont eu une bonne intuition. « Les concerts à la bougie sont un concept qui existe depuis cinq cents ans. On en faisait jadis dans les églises puisqu’il n’y avait pas d’électricité. Nous avons juste décidé d’en remettre l’idée au goût du jour. » En organisant ces concerts de façon plus sécure que par le passé. Car on imagine mal, en plein XXIe siècle, illuminer un espace public clos à l’aide de chandelles en cire. Dans de nombreux pays, éclairer une salle aux bougies est même interdit par la loi ou soumis au contrôle strict des pompiers. Car les incendies ne pardonnent pas.
Les Candlelight recourent donc à des bougies LED munies de flammes factices vibrantes qui font totalement illusion. « Nos bougies sont électriques, mais nous en utilisons beaucoup. Une mer de bougies et pas quelques-unes ! Une fois plongées dans le noir, elles donnent la même impression que des vraies. » Aucun des “staffeurs” n’est donc chargé de mettre le feu à des mèches. Toutefois, l’allumage des cinq mille LED ne se fait pas d’un coup de baguette. « Chaque bougie a ses propres piles. Pour éviter un problème en salle, on passe souvent nos dimanches à vérifier toutes les piles une à une », expliquent Quentin et Violette, les coordinateurs. Et évidemment, le jour du spectacle, chaque “placeur” ne pose pas seulement ses bougies, mais doit aussi les allumer les unes après les autres.
18h00. Les artistes vérifient que tout se passe bien. Ce soir, c’est un couple de jeunes pianistes dont la spécialité est le jeu à quatre mains. « Pour que le concert soit intimiste, les musiciens sont peu nombreux. Un ou deux pianistes, ou un quatuor à cordes, par exemple. Pour garder une connexion avec le public. Au cours du spectacle, il y a aussi pas mal de speeches. Le caractère intime de l’éclairage aux bougies fait que les musiciens parlent et échangent beaucoup avec le public. »
RAJEUNIR LES SPECTATEURS
Un concert dure en moyenne soixante minutes, plus un rappel. Une courte durée qui n’est pas due à l’usure des bougies, puisqu’elles ne se consument pas, mais au type de public que Fever entend atteindre. « On veut rester légers. Si on avait un concert de deux heures, nous n’attirions pas un public jeune, ou en tout cas rajeuni par rapport à celui de la musique classique. Le public de Bozar ou de La Monnaie se situe plutôt dans les 60-80 ans. Le nôtre est, lui, dans les 30-50. Des jeunes adultes. Nous voulons aussi rendre la culture accessible, et donc pas trop chère. Nos tickets commencent à 19€. À ce prix-là, tout le monde peut redécouvrir la musique classique dans une atmosphère plus ludique, plus intimiste et charmante que d’ordinaire. »
Les Candlelight ne se déroulent pas souvent dans de grands théâtres. Mais plutôt dans de petites églises, des salles de charme (le Concert Noble à Bruxelles) ou des endroits encore plus originaux (les boules de l’Atomium). Pour toucher son public, Candlelight mise sur les réseaux sociaux. « Puisque nous essayons de viser les jeunes, notre communication et notre marketing sont presque entièrement digitaux. Les photos passent bien. Quand on les voit, cela crée de l’ambiance et donne envie. »
19h30. Le public s’est installé dans la salle. Bientôt, seules les LED des bougies éclaireront encore la scène. Chez Candlelight,une fois l’éclairage éteint, plus personne ne peut entrer. Afin de ne pas perturber l’intimité entre musiciens et spectateurs. Ce soir, le récital sera classique et romantique. Mais d’autres concerts abordent un répertoire contemporain proche de la variété, avec Queen, Abba ou Hans Zimmer, compositeur de musiques de films et de dessins animés. « Ça plaît beaucoup, constate Thomas Louis. On voit souvent des gens qui reviennent de date en date. Le feedback du public qui nous fait le plus plaisir concerne l’appréciation de l’échange avec les musiciens. Ce n’est pas un simple récital, mais un vrai partage entre le public et les artistes. »
20h35. L’éclairage se rallume, le charme se dissipe. On aurait peut-être aimé ne pas être dans une “vraie” salle, mais dans un de ces lieux où les artistes ne sont pas sur une scène en hauteur, avec le public en contrebas, sans vraiment voir les bougies. Mais la chaleur de la lumière LED et la sympathie des artistes ont joué à plein. Avant de partir, tout le monde se précipite pour prendre une photo de la scène, vide de musiciens, mais pleine de bougies scintillant dans leur lueur orangée.
Frédéric ANTOINE
03/04. LLN, Ferme du Biéreau : Hommage à Ludovico Einaudi (19h), Hommage à Queen (21h). 11/04. Namur, Delta : Imagine Dragons VS Coldplay (19h), Hommage à Hans Zimmer (21h). 13/04. Bruxelles, Concert Noble : Les 4 saisons (Vivaldi) (19h), Hommage à Abba (21h). 18/04. Bruxelles, Planétarium De L’observatoire : Hom- mage à Green Day et Blink-182 (18h30). 18/04. Mons, Domaine du Chant d’Éole : Hommage à Coldplay (19h), Hommage à Queen (21h). 21/04. Liège, Théâtre : Imagine Dragons VS Coldplay (19h), Hommage à Hans Zimmer (21h). 27/04. Han, Grottes : Hommage à Coldplay (19h30), Hommage à Queen (21h30).