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Edito

COMME UNE ODEUR DE HAINE

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Au cours de ce match entre juniors, une partie des footballeurs se sont mis à contester une décision de l’arbitre. Un événement presque normal dans un monde où ce n’est pas parce qu’on est une autorité qu’on ne peut être mis en cause. Sauf que les choses ont rapidement tourné au vinaigre. Tant et si bien que les membres de l’équipe d’en face ont, eux aussi, décidé de s’en mêler. Sans parler des parents, vociférant depuis les tribunes, certains étant prêts à descendre sur le terrain.
« Je croyais mon fils doux, voire pacifiste, raconte le père d’un des joueurs de l’équipe agressée. Je ne l’ai jamais vu violent. Mais là , il m’a dit que, si cela continuait, il allait vite fait mettre son poing dans la g... des joueurs de l’équipe d’en face. Passer à la castagne ne lui posait aucun problème. » Finalement, ce n’est que d’un cheveu que la situation n’a pas dégénéré...

« Notre école est plutà´t haut de gamme, concède de son cà´té cette enseignante du secondaire, maman de deux grands ados. On y plaide le respect de l’autre et, d’habitude, on sait s’y tenir. Eh bien, c’est incroyable comme la violence déferle maintenant dans la cour de récréation. On s’y bat ! Et, quand on intervient, on sent par moment comme de la haine. »

En quelques années, les actes violents se sont développés là où, jusqu’à il y a peu, on ne les imaginait pas. Comme les transports en commun, ou le secteur des soins de santé. Selon la revue des médecins spécialistes belges, plus de 330 cas d’agressions de personnel médical ont été recensés ces six dernières années. L’été dernier, le personnel soignant a même réclamé un plan d’action contre les violences, et, dé- but 2023, un point de contact en ligne pour les aider a effectivement été créé en ligne. Quand un patient s’en prend au médecin de garde d’un hà´pital et le poignarde, l’info ne se retrouve plus uniquement dans les journaux à sensation. Tout le monde en parle.

La caractéristique de cette violence est de s’être immiscée dans la vie de tous les jours. Elle est devenue tellement banale qu’il faut en arriver à des cas extrêmes pour qu’on s’en offusque. Autrement, on se contente de passer son chemin. « C’est comme ça, on n’en peut rien. »

Une partie de cette violence est portée par la parole, et des solutions sont actuellement mises en oeuvre pour tenter d’y remédier ou de la désamorcer (voir article « À la une » dans ce numéro). Mais ne faut-il pas aller au-delà  ? Les mots ne constituent pas toujours l’étincelle qui suscite le passage à l’acte. Un regard, ou une absence de regard, peut l’être tout autant. À moins que tout cela provienne plus simplement d’un état d’esprit, d’une colère intérieure, dont la violence deviendrait le seul moyen d’expression. Une terrible rancoeur qui trouverait ses racines dans la maladie dont souffre la société. Celle de préférer soi à l’autre, la similitude à la différence, la fermeture à l’ouverture, le repli à l’accueil, l’intolérance à la tolérance...

Ces semaines-ci, les religions chrétiennes préparent l’arrivée de Pâques par le temps du carême. Pour les catholiques, celui-ci doit, théoriquement, inviter à "faire pénitence– , regretter ses fautes et tenter de les réparer. Pour les protestants, il s’agit plutà´t d’un « moment privilégié d’écoute, de prière et d’engagement renouvelé ». Quelle que soit son Église, cette période est en tout cas propice à la réflexion et au retour vers l’autre. Un moment idéal pour se défaire de ses préjugés et de se mettre à lutter contre la haine qui est en train de gangrener l’ensemble de la planète.

Frédéric ANTOINE

Rédacteur en chef

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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